Publications de livres : L’Afrique, l’eau et la gestion de l’eau potable en période de guerre

 A. P. Virgil HOUESSOU (Envoyé spécial WASH-JN à Abidjan)

A travers cette titraille, se résume deux livres écrits par des acteurs de l’eau. Ce sont des ingénieurs, des managers de société de distribution d’eau, etc. Ils sont pour la plupart des Africains, mais ils ont reçu le soutien de certains de leurs pairs européens. C’est un renouveau dans le secteur de l’eau. Peut –être aussi une chance pour les générations futures d’avoir des points de repère à travers ce début foisonnant de la littérature sur l’eau. Pour la première fois, l’Association africaine de l’eau rend hommage à ses écrivains. Plus de cinq ouvrages ont révélés au public à l’occasion du congrès d’Abidjan. Nous vous présentons ici les deux livres écrits par des auteurs francophones.    

l'eau potableLe premier livre s’intitule « Le service public de l’eau potable en période de guerre ». C’est le cas de la Côte d’Ivoire qu’expose l’auteur, Descord Venance Yoboué. De nationalité ivoirienne, il est l’actuel directeur de l’exploitation intérieur à la Société de distribution de l’eau en Côte d’Ivoire (Sodeci). Au cœur de la stratégie de distribution de l’eau pendant la guerre, parle de ses expériences de distribution de l’eau pendant la guerre civile en Côte d’Ivoire. Il fait un témoignage sur le type de management et l’audace mis en œuvre pendant la guerre civile en Côte d’Ivoire pour assurer la distribution de l’eau potable aux populations des zones dites CNO. Ce sont les zones occupées par les rebelles des Forces nouvelles. C’est le préfacier qui résume l’ampleur de la situation. « Habituellement, les crises de la nature de celle qui a affecté notre pays (Ndlr : la Côte d’Ivoire), une décennie durant, entravent le bon fonctionnement des services publics et plus particulièrement ceux de l’eau potable et de l’électricité. Il s’en suit, dans la plupart des cas, une série de fléaux telles (sic) que les maladies hydriques, qui en entraînent  bien d’autres, où des ruptures profondes et durables dans l’organisation de la vie économique et sociale du pays. Dans le cas de la Côte d’Ivoire, les choses se sont passées autrement, heureusement. Mais peu de gens savent à quelles conditions et dans quelles circonstances la Côte d’Ivoire a pu échapper à ces catastrophes humaines ». C’est la révélation au public de ces conditions et de ces circonstances qui justifie le contenu de ce livre. Comment réussir à constituer une force neutre au milieu de deux camps armés ? Comment réussir à convaincre les forces en conflit à éviter d’utiliser la distribution de l’eau comme arme de combat ? Comment aider des groupes armés à considérer l’eau comme source de vie, s’exclure du système de distribution pour les laisser travailler les techniciens ? Dans quelles conditions travaillaient les agents de la Sodeci ? Comment réussissaient-ils à convaincre les rebelles les accepter pour fournir de l’eau aux populations de la zone sous contrôle des Forces nouvelles ? Voilà autant de questions dont les réponses se retrouvent dans les cent trente-huit (138) pages qui constituent le livre. Dexcord Venance Yoboué fait ce témoignage et explique la stratégie. Il explique à chacun que l’eau n’a pas d’ennemi et est indispensable à la survie de tous. Il soulève, à travers ses écrits sur la gestion, pendant les conflits armés, de la denrée vitale qu’est l’eau potable, les problèmes importants liés au droit humanitaire international, la lutte contre la pauvreté et les efforts pour atteindre les Omd. Cette conviction de l’auteur retient d’ailleurs l’attention du lecteur à la page couverture. Dans la caricature illustrative, on découvre, en train de se désaltérer autour d’un unique point d’eau, un soldat armé, amulettes aux bras, face à une femme avec un bébé au dos. D’un côté le puissant avec son arme capable de tuer des dizaines voire des milliers de gens ; de l’autre côté une femme et un enfant, habituellement, les premières victimes des conflits armés, donc les plus faibles. Et voilà le faible et le fort, autour d’une même et unique source pour assouvir leur soif, pour survivre ! Les deux font recours à l’eau et au même endroit. Pourquoi donc se battre et empêcher la distribution de l’eau ? Photos à l’appui, l’auteur raconte les missions dans la zone rebelle, les conciliables, les visites aux com’zones, les travaux de réfection, etc. Subdivisé en dix parties, le livre informe sur la configuration de l’exploitation de l’eau potable par la Sodeci avant la crise et pendant la guerre à partir du 19 septembre 2002. On y découvre les actions des comités de crise et des comités techniques mis en place pour répondre aux besoins des populations. Le lecteur prend également connaissance du système de communication mis en œuvre à Abidjan et en zones occupées à partir d’initiatives personnelles de l’auteur et de l’implication des responsables de la Sodeci pour rencontrer et discuter avec les chefs de guerre et la société civile. La gestion technique de l’exploitation pendant la crise, les résultats obtenus et l’impact financier de la crise sur l’activité commerciale liée à la distribution de l’eau ne sont pas occultées. C’est un livre qui a pour objectif, explique l’auteur  lors de la présentation du livre, à la faveur du 17ème congrès de l’Association africaine de l’eau, de donner aux autres pays africains les outils d’une gestion de la distribution de l’eau potable en cas de crise ou de guerre. L’eau en Afrique dans ses détails l'afrique et l'eau« L’Afrique et l’eau » est aussi le titre d’un autre livre. Outre la publication de Descord Venance Yoboué, la rencontre d’Abidjan a permis aux participants de découvrir la littérature foisonnante sur l’eau. C’est un ouvrage édité par l’Association africaine de l’eau (AAE), elle-même. Sous la direction de l’expert français, Claude Jamati, une vingtaine d’acteurs du secteur de l’eau ont écrit des articles sur différents aspects de l’eau. A travers 370 pages, toute l’Afrique est exposée dans les méandres les plus cachés de la problématique de l’eau. Parmi ces co-auteurs, il y les Béninois Félix Adégnika du WSSCC et du partenariat  pour le développement municipal et David Babalola, actuel Directeur Général de la Soneb. Le premier propose à travers son texte une méthodologie et des outils de gestion pour accompagner les villes secondaires dans la définition d’une stratégie municipale concertée pour répondre aux besoins importants en eau des populations. C’est un sujet d’un intérêt particulier et d’actualité qu’aborde Félix Adégnika. Dans sa publication N°2771 du 16 au 22 février 2014, l’hebdomadaire panafricain, Jeune Afrique titre « Distribution de l’eau et assainissement : les villes boivent la tasse ». Julien Clémençot, l’auteur de l’article écrit « Face à une population urbaine qui ne cesse de croître, les pays du continent peinent à satisfaire les besoins en eau de leurs populations, fautes de d’investissements publics suffisants. Certaines agglomérations tirent néanmoins leur épingle du jeu grâce à l’appui des partenaires privés ». Et Julien Clémençot de déduire, au regard de cette situation complexe, le risque existe que l’Afrique soit, en ce 21ème siècle, le théâtre des guerres de l’eau, des guerres incontrôlables issues des insurrections populaires des villes en manque d’eau. Les statistiques prévoient un accroissement spectaculaire des populations africaines urbaines dans les prochaines années. Félix Adégnika, en intelligence avec Christophe Le Jallé du programme Solidarité Eau et Claude Baehrel, définit dans l’ouvrage, comment développer des solutions pour l’accès à l’eau et à l’assainissement dans les villes secondaires en tant qu’enjeu majeur. Dans ce chapitre, il est question de la contribution au défi des Omd, des réponses aux besoins des quartiers urbains sous-équipés, de la dynamique de la décentralisation, de la participation des populations et des acteurs intervenant dans les services d’eau et d’assainissement et de l’élaboration de stratégies municipales concertées. David Babalola, quant à lui, « explique avec précision la situation hydrique et pose, dans une analyse sans concessions, les problèmes auxquels sont confrontées les populations non seulement africaines, mais aussi mondiales. Il envisage les comportements à tenir dans les années à venir. » David Babalola ne manque pas de décrire dans son texte le cas béninois pour expliquer pourquoi le Bénin sera en 2015 « vraisemblablement un des pays à réaliser les objectifs du millénaire pour le développement » dans le secteur de l’eau potable. Outre ces deux experts béninois, il y a aussi la présidente de l’Association africaine de l’eau, la Sud-Africaine Duduzile Myeni, et l’actuel Secrétaire général de l’AAE, l’Ivoirien Sylvain Usher, sont également sur la liste des co-auteurs.  C’est un livre qui se décline en deux parties : la problématique de l’eau en Afrique et la monographie de l’eau pour chaque pays. Dans son introduction, Claude Jamati, explique les raisons ayant fondé le choix de l’AAE d’éditer un ouvrage sur l’Afrique et l’eau. Il écrit : « L’Afrique est trop souvent l’objet d’une couverture médiatique réductrice : conflits, instabilité politique, mauvaise gouvernance, corruption, déforestation, désertification…Or il existe, sur ce continent frère, une richesse humaine, soif d’innovation et de progrès, des compétences et des motivations absolument exceptionnelles ». Pour lui donc ce livre leur « offre l’opportunité de relater leurs expériences », déclare-t-il lors de la présentation du livre en marge du 17ème congrès de l’AAE. Et les différents co-auteurs n’ont pas raté le coche. C’est un livre référence pour tous les acteurs du secteur de l’eau du contient. Sa grande originalité, écrit l’éditeur, « est d’avoir donné la parole aux Africains, sans lesquels aucune évolution positive ne peut être envisagée ». La plupart des experts ayant contribué à l’ouvrage ont dirigé l’Association africaine de l’eau. C’est un document qui maintient la flamme de l’espoir, car « tous les contributeurs, à travers leurs témoignages, montrent qu’il est possible, en Afrique, d’éviter la pénurie d’eau », poursuit l’éditeur. Le rendez-vous d’Abidjan a donné l’occasion aux congressistes et autres acteurs que les Africains commencent par occuper l’espace de la littérature sur l’eau avec une variété de thèmes abordés. En dehors de ces ouvrages écrits en français, trois auteurs anglophones ont également présenté aussi au public leurs chefs d’œuvre. Parmi eux, il y a l’Ougandais William T. Muhairwe, dirigeant de la National Water and Sewerage Corporation de l’Ouganda. Il a écrit sur la problématique de la gestion des entreprises d’eau et d’assainissement.

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