Alain TOSSOUNON (Bénin)
Venus des communes urbaines I et IV de Bamako, des communes rurales de Fatoma, Nioro, Kéwa pour les maires du Mali et des communes de Kérou, Péhunco, Lokossa, Dogbo et Athiémé, pour ceux du Bénin, la visite d’échanges a été marquée par deux temps forts. Un premier a permis aux maires du Mali comme du Bénin, de mieux appréhender, pour les trois domaines que sont : AEP-Hygiène et assainissement et Gire locale, la gestion par les communes et l’état des lieux en matière d’exercice de la maitrise d’ouvrage. Le deuxième temps fort qui a été celui des visites de terrain, a permis aux gouverneurs locaux, au-delà des présentations, de toucher du doigt la réalité de la gestion des services et d’échanger avec les populations et les acteurs locaux.
Après une présentation du contexte de la décentralisation en général et de l’exercice de la maitrise d’ouvrage communal au Bénin comme au Mali, les élus locaux ont pu comprendre que dans les deux pays, les communes jouent un rôle important dans la fourniture et la distribution d’eau potable avec l’avènement des lois sur la décentralisation.
En matière d’Approvisionnement en Eau Potable (AEP), si la législation reste favorable au Bénin, avec l’évolution appréciable de la stratégie nationale, le transfert de la maitrise d’ouvrage aux communes reste un processus inachevé malgré quelques expériences d’appui par les partenaires dont Protos. Néanmoins, le sous-secteur connait de nouvelles orientations dont la professionnalisation de la gestion des ouvrages ou la programmation communale qui devraient contribuer à améliorer la gestion des services d’eau potable par les communes béninoises. Au Mali, le constat reste le même avec des communes qui n’exercent pas encore pleinement la maitrise d’ouvrage. Et ce, malgré également, l’existence d’un contexte légal favorable. Dans les deux pays, les maires ont tous fustigé la lenteur ou le refus des Etats centraux à transférer les ressources aux communes pour la réalisation des ouvrages et le plein exercice de la maitrise d’ouvrage communal. Mais, l’un des grands points d’attention qui a soulevé un bouillon d’échanges riches a été la gestion communautaire et la gestion par délégation (affermage) en cours au Bénin. Dans leur grande majorité, les maires du Mali ont vanté les avantages de la gestion communautaire qui concourt à la vie en communauté mais aussi l’harmonie sociale. En revanche, pour les maires du Bénin, cette gestion a connu ses limites avec le manque de reddition des comptes et surtout la rupture du service dans bien des cas. Une situation préoccupante qui a conduit à la professionnalisation de la gestion au Bénin avec le recrutement des opérateurs privés et la signature des contrats pour faciliter le suivi et assurer la continuité du service. Mais, cela ne se fait pas sans difficultés sur le terrain. « Le passage de la gestion communautaire à la gestion professionnalisée est très difficile. La tâche n’est pas facile », a martelé le maire de Dogbo, Vincent Akakpo. Dans la commune IV de Bamako, la gestion donne lieu à un bras de fer entre les autorités locales et les associations de quartiers qui ont fait main basse sur la gestion. Au total, quel que soit le mode de gestion, l’important c’est de garantir et d’assurer la continuité du service aux populations.
Avant la visite de deux ouvrages réalisés avec l’appui de Protos, les échanges ont porté également sur le dispositif de veille citoyenne en cours de mise en place sur recommandation de la stratégie nationale au Bénin. Il s’agit des Associations de Consommateurs d’Eau Potable (ACEP), un processus qui n’a pas manqué d’intérêt pour les maires du Mali. Sur le terrain à Faglatomé et à Bassoukondji dans la commune d’Athiémé, la délégation a eu des échanges édifiants avec les communautés qui ont tout dit de la gestion du point d’eau ou de la Borne fontaine. Impressionnés par les « belles réalisations», la délégation malienne a salué les efforts entrepris par les autorités locales et les partenaires pour les ouvrages et surtout leur gestion par les fermiers dans le cadre de la gestion professionnalisée aujourd’hui recommandée par la stratégie nationale. Pour les uns comme pour les autres, il est important de renforcer le dispositif de gestion notamment le recouvrement des redevances et la sensibilisation des populations sur la nécessité de payer l’eau pour couvrir les charges de réparation et garantir le service.
Hygiène et assainissement et Gire locale, encore des défis à relever
Au Mali comme au Bénin, contrairement au sous-secteur de l’approvisionnement en eau potable qui connait des avancées appréciables, celui de l’hygiène et de l’assainissement reste préoccupant. Encore peu considéré comme une priorité au plan national et des populations pratiquant toujours la défécation à l’air libre avec ses conséquences au plan sanitaire et économique, l’hygiène et l’assainissement est une compétence des communes qui doivent faire face à leurs responsabilités. Avec l’appui des partenaires que sont Protos et l’Unicef, des initiatives ne manquent pas au Mali. Il s’agit par exemple de l’approche ATPC dans certaines communautés qui donne des résultats probants en matière de changement de comportement ou encore de l’initiative des Clubs d’hygiène des enfants pour la promotion de bonnes pratiques en milieu scolaire. Au Bénin, s’il faut se féliciter de l’évolution de la politique nationale et de la relecture du code d’hygiène, il reste qu’au niveau local, le sous-secteur connait des dysfonctionnements dans la collaboration entre les agents d’hygiène et les communes. Malgré tout, on note un regain d’intérêt des populations et des communes (Dogbo) pour les latrines ECOSAN dont les sous-produits sont utilisés comme fertilisants dans les champs de maïs ou pour le maraichage. Une initiative qui a beaucoup impressionné la délégation malienne qui devra faire face aux défis de sensibilisation des populations pour l’acceptation de l’utilisation de l’urine ou des excréta comme fertilisants. De même, l’initiative des clubs avocats de l’eau à l’école primaire de Adandro-Akodé (Commune de Dogbo) a beaucoup séduit les visiteurs pour la pertinence de l’action en milieu scolaire et tout le dispositif d’accompagnement mis en place pour faire des enfants, des vecteurs de changement dans les ménages. « Pour les questions d’assainissement, nous devons nous réveiller », a conclu Mory Sako de la commune IV de Bamako.
En matière de Gestion intégrée des ressources en eau au niveau local, (Gire locale), dans le Delta du Niger au Mali et dans les communes du Mono-Couffo (Dogbo), des initiatives permettent de promouvoir la concertation entre tous les acteurs pour la gestion concertée et durable des ressources. Après la visite du site de Tinnou-Hounsa ou un forage artésien a été aménagé pour l’eau potable, la riziculture et le maraichage, les échanges avec les communautés auront permis de les sensibiliser sur l’importance de cette ressource pour le développement de leur localité.
Une visite riche en enseignements
Au total, pour les maires du Mali comme pour ceux du Bénin, la visite d’échanges a été un véritable moment de partage de connaissances, d’expériences et de communion autour des grands défis auxquels sont confrontés les gouverneurs locaux. Dans leur ensemble, les maires ont constaté qu’ils font face aux mêmes difficultés en matière de maitrise d’ouvrage dans le secteur de l’eau et de l’assainissement. Une raison qui a motivé les maires au partage d’expériences pour améliorer leurs prestations aux populations. « Je suis dépassé par ce que j’ai vu. Même dans le cadre des services de l’eau, les communes béninoises ont une force en matière de Maitrise d’ouvrage », a déclaré Mory Sako de la commune IV de Bamako. Gestion communautaire et gestion professionnalisée, mise en place des ACEP, promotion de l’hygiène en milieu scolaire, latrines ECOSAN et approche ATPC, Gire locale…, sur toutes ces questions, les échanges ont été vifs et riches et chacun des maires et membre de la délégation, est reparti édifié des expériences apprises et des enseignements des visites de terrain. Comme un refrain, tous les participants ont souhaité que l’initiative de l’organisation de cette visite d’échanges se renouvelle. Au-delà du secteur de l’eau et de l’assainissement, le maire de Dogbo, Vincent Akakpo, qui a eu le plaisir de faire visiter ses services à la délégation et d’échanger avec les maires sur la gestion locale, a suggéré le développement de la coopération sud-sud pour un renforcement mutuel des gouverneurs locaux.