Le coordonnateur de International Water Association (Iwa), Cheikh Tidiane Fall, n’entrevoit pas le développement du secteur de l’assainissement sans des ressources humaines qualifiées. Dans cet entretien, il approfondit certaines questions soulevées lors de son intervention sur une session axées sur : « Engagements pour l’assainissement : réduire le manque de capacité professionnelle ».
Lors de la 4ème édition de Africasan vous avez participé à la session « Engagement pour l’assainissement : réduire le manque de capacités professionnelles ». Peut-on déduire qu’il y a un manque criant de ressources professionnelles dans le secteur ?
C’est évident. Le secteur de l’assainissement est à la traîne des objectifs d’assainissement à atteindre et fait face à la détérioration due à un manque de concentration sur la durabilité. Les discussions post-2015 ont mis l’accent sur la durabilité à travers, par exemple, l’exploitation et l’entretien des installations. Cependant pour progresser durablement beaucoup de ressources (humaines et financières) sont nécessaires. Selon l’étude de l’International water association (Iwa) sur les écarts des ressources humaines -des évaluations effectuées dans 15 secteurs de Wash en Asie et Afrique dont le Sénégal- cette capacité en ressources humaines dans le secteur de l’assainissement est faible et l’arrivée future de professionnels de l’assainissement pose problème.
Pour dynamiser le leadership et l’action, les engagements sont nécessaires pour combler ce manque de capacité professionnelle de l’assainissement. Malgré ce constat, le tableau est inquiétant et sans une meilleure prise en compte de cette dimension relative aux ressources humaines, le développement du secteur de l’assainissement dans beaucoup de pays africains est illusoire. Certains pays ont élaboré des engagements sur ce plan, mais ceux-ci sont-ils clairs et transformables en actions ?
Pouvez-vous nous faire l’économie de votre présentation sur la capacité de l’assainissement en Afrique ?
La session organisée par IWA à AfricaSan 4 en collaboration avec Swa (Sanitation and water for all) visait à sensibiliser sur l’importance de s’occuper de la capacité professionnelle relative à l’assainissement au niveau national. Elle avait aussi pour objectif d’avoir des recommandations d’engagements réalisables pour combler le manque de capacité professionnelle de l’assainissement.
En partageant les résultats de l’étude d’Iwa sur 9 pays africains (Sénégal, Niger, Mali, Burkina Faso, Ghana, Zambie, Afrique du Sud, Mozambique, Tanzanie), nous avons mis l’accent sur le fait que le secteur de l’assainissement n’est pas attractif pour différentes raisons. On peut citer les salaires qui ne sont pas compétitifs, la perception négative du travail, le manque de curricula spécifiques à l’assainissement dans les instituts de formation professionnelle, l’absence d’une stratégie nationale de développement des ressources humaines etc. Il est cependant possible de changer ce tableau sombre.
Comment combler le manque de capacité professionnelle dans l’assainissement ?
Il est indispensable, à partir d’une volonté politique au plus haut niveau, d’avoir dans chaque pays une stratégie nationale de développement des capacités de l’assainissement. Elle doit être axée sur les actions suivantes qui sont clairement mises en exergue dans l’étude d’Iwa : La clarification des responsabilités institutionnelles pour mieux prendre en question les ressources humaines d’une manière coordonnée au plan national, la coordination et la planification entre le secteur de l’assainissement et le secteur de l’éducation. Cela devrait permettre le développement de programmes d’études au niveau universitaire et professionnel basé sur les besoins du secteur de l’assainissement. Il faudra aussi améliorer l’image de l’assainissement pour attirer davantage de jeunes professionnels dans le secteur, tenir compte des besoins différents en zones urbaine et rurale, car dans cette dernière les installations sont moins complexes et les qualifications requises différentes, créer de nouveaux postes etc.
Quelle est la place des ressources bien formées dans la prise en charge des besoins du secteur dans ce contexte de transition vers les Objectifs du développement durable (Odd) ?
Il a été démontré lors de la session que les installations d’assainissement sont devenues plus complexes avec des innovations et un environnement changeant et exigeant. Pour les faire fonctionner, il faut des professionnels bien formés et très compétents. Malheureusement le secteur de l’assainissement est freiné dans son développement par l’insuffisance de ressources humaines de qualité. Le professionnel bien formé et motivé est au cœur du dispositif. Cet aspect doit être mieux pris en compte si on veut réellement améliorer les taux d’accès et permettre à un plus grand nombre d’Africains de bénéficier d’un assainissement amélioré afin de pouvoir vivre dans la dignité.
Propos recueillis par Idrissa SANE