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May 20, 2019

Dr Halidou Kouanda au sommet Africasan5 : «Il y a des initiatives et des expériences intéressantes à travers l’Afrique et le monde »

La 5e Conférence internationale sur l’hygiène, l’eau et l’assainissement (AfricaSan 5) s’est tenue en Afrique du Sud précisément à Cape Town du 18 au 24 février 2019. Le Burkina Faso y a participé. Le pays des Hommes intègres s’y est rendu avec des techniciens, des experts et des professionnels de l’eau, l’hygiène et l’assainissement. A la fin des travaux, nous avons saisi l’occasion pour échanger avec l’un d’entre eux. Il s’agit du Dr Halidou Kouanda, Directeur Pays de WaterAid Burkina Faso. Voici ce qu’il nous a confié. Lisez plutôt !

 

Dr Halidou Kouanda, Directeur Pays de WaterAid au Burkina-Faso (Crédit Photo: Faso.net)

Au terme de cette 5e Conférence qui vient de se tenir à Cape Town en Afrique du Sud, qu’est-ce qu’il faut retenir comme principaux enseignements ?

Le premier enseignement qu’il faut retenir, c’est l’engagement renouvelé des Etats africains et de l’ensemble des acteurs pour faire de l’assainissement une priorité. Car les bénéfices qu’on peut avoir avec un assainissement amélioré sont très importants surtout sur le plan économique et sanitaire. Pour que l’accès universel à l’assainissement soit une réalité d’ici 2030 partout sur le continent africain, il est nécessaire que les personnes actuellement exclues du service puissent être touchées par les différentes interventions. Le second enseignement est relatif aux innovations qui ont été présentées. On a vu toute cette semaine beaucoup d’innovations en matière d’assainissement surtout dans le domaine de la technologie. Pour un pays comme le Burkina Faso où les ressources en eau se font de plus en plus rares, il est impératif d’utiliser des technologies moins exigeantes en eau. Par exemple, il nous faut réduire les quantités d’eau (potable) utilisée par les toilettes à chasse. Nous en avons vues au niveau des stands d’exposition qui n’utilisent que 1,5 à 2 litres. Le troisième enseignement c’est l’apprentissage et le partage d’expériences. Nous avons eu l’opportunité d’échanger à travers les différentes communications et les sessions qui ont été organisées. Il y a des initiatives et des expériences intéressantes à travers l’Afrique et le monde. Elles ont été menées avec succès grâce à des hommes et des femmes qui ont assuré un leadership de haut niveau. En ce qui concerne le cas spécifique du Burkina Faso, nous attendons qu’à la suite du président du Faso le ministère en charge de l’eau et de l’assainissement assure un leadership clair, fort et sans relâche sur tous les maillons du secteur.

 

L’évaluation des engagements pris à Ngor au Sénégal a montré qu’il y a eu très peu de progrès par rapport à cette 5e conférence. Selon vous, comment les Etats peuvent-ils combler ce déficit d’engagement ?

Il y a des efforts qui ont été fournis par les Etats mais on est encore très loin des objectifs communément fixés. Tant que les départements ministériels qui gèrent les ressources financières de nos Etats ne vont pas consacrer un minimum de moyens pour le secteur de l’eau et l’assainissement, les engagements pris çà et là par les gouvernements ne seront pas tenus. Si pour une raison ou une autre, on réduit les budgets déjà insuffisants alloués au secteur, vous comprendrez que les indicateurs de progrès ne feront que stagner. S’engager c’est bien, se donner les moyens de réaliser ses engagements c’est encore mieux. Au-delà des ressources financières, il faut que les leaders donnent l’exemple. Il est très fréquent de voir dans nos villes des comportements qui trahissent les ambitions des plus hautes autorités de faire du Burkina Faso un pays moderne. Je veux parler de la défécation dans les caniveaux et autres espaces non bâtis, de jour comme de nuit, et à visage découvert. Fort heureusement, cette pratique est rarement observée chez les femmes. Chacun de nous a un parent cher ou une personne chère qui vit au village et que nous pouvons aider à disposer d’une latrine ne serait-ce que simple, plutôt que d’attendre que la mairie s’en charge. Un leadership fort et actif combiné à une solidarité agissante peuvent nous faire faire un bond significatif vers l’accès universel à l’assainissement dans les délais convenus.

 

Vous prenez le cas spécifique du Burkina Faso, que compte faire WaterAid pour aider les populations?

Nous allons renforcer ce que nous faisons déjà, notamment le plaidoyer pour davantage de budget pour l’assainissement, le renforcement des capacités des différents acteurs, notamment des communes, un leadership renforcé du ministère en charge de l’eau et de l’assainissement. Notre contribution c’est aussi des actions concrètes à travers les différents projets que nous mettons en oeuvre. Il va falloir accélérer la sensibilisation des populations pour l’adoption des bonnes pratiques d’hygiène et l’entretien des ouvrages. Nous continuerons de participer au dialogue sectoriel pour faire entendre la voix des communautés. Nous bénéficions pour cela de l’appui de partenaire, tels que la Coopération suédoise, la Coopération danoise, l’Union européenne, l’Unicef, les fondations Bill et Melinda Gates, Margarett A. Cargill, Helmsley Trust. Nous sommes reconnaissants de cet accompagnement sans lequel ce serait difficile d’agir sur le terrain. Une des résolutions prises à cette 5e conférence est l’interpellation des chefs d’Etat de l’UA par rapport aux engagements de Ngor, quel commentaire en faites-vous ? Vu le niveau de progrès de l’ensemble des pays, cette interpellation à l’endroit des gouvernements vient à point nommé parce qu’ils sont les chefs d’orchestre. Je pense que cette interpellation devrait véritablement pousser les Etats à faire davantage d’efforts pour que les engagements qui ont été pris à Ngor ne restent pas lettre morte puisque 2030 n’est pas si loin. C’était aussi une bonne plateforme pour le faire. La charge revient aux participants des différents pays y compris le Burkina Faso, une fois de retour, de rendre publique la déclaration de Cape Town. Il ne faudra pas se contenter de communiquer, mais il faut aussi mieux s’organiser, mutualiser les moyens pour mieux agir parce que le pays a besoin des efforts de toutes les catégories d’acteurs. Quelles sont concrètement les perspectives pour WaterAid dans les 6 prochains mois ? Pour ce qui nous concerne, nous allons poursuivre le plaidoyer en faveur de l’assainissement mais aussi accélérer la mise en œuvre des projets et programmes que nous conduisons déjà. Nous envisageons organiser au cours de l’année 2019, une conférence régionale sur la gestion des boues de vidange qui sont une problématique émergente pour l’ensemble de nos pays mais encore plus pour le Burkina Faso quand on sait que rien que dans la ville de Ouagadougou, les espaces qui sont offerts aux vidangeurs pour décharger les boues collectées au niveau des familles, se rétrécissent. En la matière, il y a urgence à agir et cette conférence va réunir l’ensemble des acteurs du Burkina Faso et des pays de l’Afrique de l’Ouest pour y réfléchir et partager les expériences. Nous espérons bénéficier de l’accompagnement de tous les acteurs au niveau du Burkina Faso mais aussi, des organisations sous régionales et internationales.

Le nerf de la guerre, c’est le financement, est-ce que vous bénéficiez de l’accompagnement des partenaires techniques et financiers pour ce projet ?

Pour cette conférence, nous avons déjà un soutien financier de la fondation Bill et Melinda Gates. Nous avons bon espoir que nous pourrons boucler le budget pour offrir les meilleures conditions de réflexion aux participants. Je suis très confiant que d’autres acteurs, tels que l’ONEA et certains ministères s’associeront à cette initiative. Ensemble, nous y arriverons.

 

                                       Propos recueillis par Ben Issa TRAORE/Journal le Pays

March 4, 2019

Sommet Africasan5 : Les grandes résolutions

Alain TOSSOUNON (Cape Town, Afrique du sud)

Le ministre sud-africain au cours de son discours de clôture

Tenue du 18 au 22 février 2019 à Cape Town en Afrique du sud, la 5e conférence internationale  de l’assainissement qui a réuni 36 Etats venus du monde entier,  a tenu toutes ses promesses. Au-delà des résolutions prises, le sommet a été un véritable moment de partage d’expériences innovantes et prometteuses, permettant une fois encore aux acteurs, experts et décideurs locaux et centraux, de renouveler leurs engagements dans la marche pour l’hygiène et l’assainissement pour tous en Afrique.

Deux résolutions majeures ont sanctionné la fin des travaux de ce sommet. Il s’agit en premier, de la ferme résolution d’«accroître la visibilité de l’hygiène et de l’assainissement dans les programmes de développement » et deuxièmement, de «promouvoir l’excellence et l’innovation en matière d’initiatives audacieuses qui inspirent l’action des gouvernements». A cet effet, les acteurs ont au terme de leurs réflexions, décidé d’engager un plaidoyer  dans les prochaines semaines auprès de l’Union Africaine (l’UA) pour amener progressivement les Etats à faire de l’hygiène et de l’assainissement, une priorité dans l’agenda de développement.

En réalité, expliquait le Secrétaire Exécutif du Conseil des ministres africains de l’eau, Dr Canisius Kanangire, cette démarche de recourir à l’institution africaine a été envisagée depuis le précédent sommet qui a eu lieu en 2015 à Dakar au Sénégal.

Avec cette résolution, l’espoir de voir ce sous-secteur encore laissé-pour-compte dans plusieurs pays, gagné en priorité est permis. Pour le Secrétaire exécutif, Dr Canisius Kanangire, l’Union Africaine sera sollicitée pour accompagner les Chefs d’Etats  à inscrire la question de l’hygiène et de l’assainissement sur leur agenda de développement.  Mais plus encore, soutient le Secrétaire exécutif, les Etats et leurs gouvernements seront appelés à mener des politiques publiques pro-pauvres permettant de prendre en compte, les pauvres, les personnes vulnérables etc…vivant aussi bien en zone rurale qu’en zone urbaine. Dans la droite ligne des Objectifs de Développement Durable et des engagements de N’Gor, personne ne doit être laissé de côté pour atteindre l’accès universel.

Les participants venus de 36 Etats du monde entier

Un appel au respect des engagements de N’Gor a été lancé aux ministres de l’eau et de l’assainissement par le Président de la conférence sur la Gestion des boues de vidange qui se tenanit en même temps que le sommet, Doulaye Koné. Il a invité les ministres des Etats du continent, à redoubler d’efforts, à maintenir les relations avec AMCOW,  à travailler toujours ensemble pour faire face  à tous ces nombreux défis que rencontrent les pays africains dans le domaine de l’assainissement. « C’est ensemble que nous arriverons à  surmonter nos difficultés», a-t-il souligné.

A son tour, dans son discours de clôture, le Ministre sud-Africain en charge  de l’eau et de l’assainissement  Gugile Ernest Nkwinti, a pris l’engagement de s’ impliquer  fortement  dans la mise en œuvre de la politique de l’eau,  l’hygiène et  l’assainissement  dans son pays et au-delà de son pays,   sensibiliser au mieux  ses pairs ministres en charge de l’eau, de l’hygiène et de l’assainissement du continent pour le respect des engagements pris à N’Gor pour  l’ accès  à l’hygiène et à l’assainissement pour tous d’ici l’an 2030.

Lançant un appel à l’union de tous les pays africains pour  réussir ensemble, le ministre Gugile Ernest Nkwinti a insisté sur la nécessité pour  ses pairs, de  travailler en synergie avec tous les acteurs et experts de leurs pays. «De nombreux problèmes peuvent être résolus même à distance »,  a-t-il avant de rappeler que de belles  opportunités s’offrent aux pays. Mais pour les saisir, il soutient qu’il faut une organisation, un appel aux actions multipartites, au dialogue  pour encourager les partenaires techniques et  financiers en charge de l’eau, de l’hygiène et de l’assainissement à accompagner les pays africains.

Pour terminer, il a exhorté les représentants des 36 Etats  présents  à s’ouvrir aux innovations en se fondant sur la déclaration de N ’Gor pour que dans les six prochains mois, les choses changent positivement et soient  plus visibles.

 

Les Etats appelés à plus d’efforts

Le sommet a été une occasion de bilan  pour le Conseil des ministres africains de l’eau (AMCOW) qui, il y a  20 ans, s’est engagé à porter l’assainissement et l’hygiène au rang des priorités de développement aux plans mondial et national.

En effet, le processus AfricaSan remonte à 2002, année de sa tenue en Afrique du Sud. L’un des plus grands succès mentionnés par l’institution  est d’avoir réussi à faire pression par le biais du PNUE,  sur les Nations Unies pour l’adoption d’un objectif de développement spécifique pour l’assainissement dans les ODD. Aujourd’hui, le processus AfricaSan est devenu une plate-forme continentale pour générer un élan politique en faveur de l’hygiène et de l’assainissement.  Mais, les Etats doivent redoubler d’efforts parce que l’hygiène et l’assainissement, sont devenus des droits de l’homme.  C’est indéniablement un défi complexe de réaliser l’accès universel à l’assainissement en raison d’autres problèmes connexes tels que le changement climatique, la migration vers les villes… mais l’essentiel est que ces Etats doivent trouver des solutions durables quels que soient les défis auxquels ils sont confrontés. Car, au-delà d’être une question de santé, l’hygiène et l’assainissement constitue une question de dignité et doit être assurée en particulier pour les femmes et les filles. Le Conseil des ministres africains de l’eau à AfricaSan4 à Dakar (Sénégal) en 2015, avant l’avènement des ODD, a pris conscience de la nécessité de développer et d’approuver les dix engagements de N’gor que tous les gouvernements africains devraient respecter afin de réaliser l’accès universel à un assainissement durable et d’éliminer la défécation à l’air libre d’ici 2030.

En présentant les résultats de l’évaluation des progrès des pays, Kitch Bawa, du secrétariat de l’AMCOW, a indiqué que peu d’efforts ont été faits par les pays. Dans sa présentation, il a souligné que c’est seulement en matière de leadership et de coordination, que les pays ont obtenu des progrès.  Ce qui montre que de plus en plus, les Etats du continent ont identifié des ministères pour porter la problématique de l’hygiène et de l’assainissement et font des efforts pour organiser les principales parties prenantes. En dehors de cette seule bonne nouvelle, les autres indicateurs sont au rouge. C’est le cas des inégalités, du financement où les efforts sont encore insuffisants dans plusieurs Etats. Le défi est encore plus grand pour certains Etats où la disponibilité des données constitue un problème. Dans plus de la moitié des pays du continent, le chemin est encore long pour atteindre l’accès universel. Pour Kitch Bawa du secrétariat de l’AMCOW, il faut un mouvement d’ensemble de tous les acteurs dans les pays pour partager ensemble les connaissances et les expériences. Ce n’est qu’à ce prix que le défi sera relevé.