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June 23, 2016

Intégrité et lutte contre la corruption dans le secteur Eau et Assainissement: Les acteurs se dotent d’une Charte de bonne gouvernance

Alain TOSSOUNON (Cotonou/Bénin) 

Les acteurs du secteur de l’eau et de l’assainissement se sont retrouvés le 21 juin 2016 à l’Infosec de Cotonou, en présence de la Coordonnatrice Afrique francophone du réseau WIN, pour valider la Charte de bonne gouvernance pour l’intégrité. Au terme d’un processus qui aura  duré plusieurs mois, les acteurs disposent désormais d’un instrument de promotion de l’intégrité et de lutte contre la corruption. 

Photo de famille des participants avec le ministre en charge de l'eau, Dona Jean-Claude Houssou

Photo de famille des participants avec le ministre en charge de l’eau, Dona Jean-Claude Houssou                                        (Photo A.T)

Avec pour objectif d’améliorer le contenu de la Charte et son mécanisme d’opérationnalisation avant de passer à la validation, l’atelier a mobilisé plusieurs acteurs. En dehors des Organisations Non Gouvernementales (PNE-Bénin, Protos, Helvetas, CARE Bénin, Social Watch, ALCRER, Alliance Wash Bénin, EAA-Bénin) et les médias, les structures publiques en charge du secteur, les acteurs communaux, les acteurs privés et les Partenaires Techniques et Financiers (Ambassade des Pays-Bas, GiZ, PNUD) étaient tous représentés.

En ouvrant les travaux, le Secrétaire Général du Ministère représentant le ministre, Jean-Claude Gbodogbé, a rappelé que l’eau et l’assainissement constituent des priorités dans le Document de stratégie de croissance pour la réduction de la pauvreté. Plus encore, le président de la République s’est engagé à faire de l’accès à l’eau, un droit inaliénable.

Mais, il a surtout salué l’avènement de cette Charte qui intervient juste après « la crise liée aux irrégularités constatées dans la gestion financière de la 2ième phase du Programme pluriannuel d’appui au secteur de l’eau et de l’assainissement (PPEA2). « Cette crise nous donne l’occasion d’œuvrer à renforcer notre système de gouvernance », a-t-il soutenu.

Avant son intervention, le président du Partenariat National de l’Eau du Bénin (PNE-Bénin), André Toupé, a souligné que d’après le rapport mondial sur l’intégrité publié en 2008 par Transparency International et le réseau WIN, le manque d’intégrité constitue l’une des causes de la situation de manque d’eau des populations. Face à cette situation, il soutient que « la nécessité d’une bonne gouvernance et de l’instauration de mesures permettant de lutter contre la corruption pour améliorer les performances du secteur font l’unanimité ».

Invité surprise, le ministre en charge de l’eau, Dona Jean-Claude Houssou, est venu soutenir cette initiative qui pour lui, s’inscrit parfaitement dans la vision du gouvernement actuel qui fait de la bonne gouvernance son cheval de bataille. Dans sa brève intervention, il a indiqué également qu’il est important dans les actions à entreprendre, de prendre en compte le développement des capacités.

Des engagements de l’espoir

Avant les travaux en groupe qui ont permis d’examiner les aspects importants de la Charte, les participants ont eu droit à la présentation du processus ayant conduit à l’élaboration de la Charte. Un processus qui a démarré avec l’exercice de l’Evaluation annotée de l’Intégrité de l’Eau /AEP rural en 2011 et l’affaire du Programme Pluriannuel d’appui au secteur de l’Eau de l’Assainissement2ème phase (PPEA2) qui ont révélé un faible niveau d’intégrité. Egalement, cet état des lieux a mis à nu des manifestations de la corruption. A partir de ce moment, le combat pour l’intégrité et la lutte contre la corruption s’est imposé comme un défi majeur. Et ce, malgré l’existence de textes juridiques de répression de la mauvaise gouvernance. Une fois mis en route, le processus a conduit à l’élaboration de la Charte qui dans son contenu, rappelle les principes et valeurs d’une gouvernance pour l’intégrité, précise les engagements des parties prenantes (Etat, Collectivités, Privé, Sté civile et Partenaires) et les dispositions diverses de mise en œuvre. Comme principes cardinales de la Charte, on retient la transparence, la  responsabilité, l’obligation, la participation citoyenne et les valeurs fondamentales promues sont : l’équité, le sens de responsabilité, l’intégrité et la justice. L’originalité de cette Charte est à retrouver dans les engagements qu’elle contient pour les parties prenantes. Dans les engagements, si l’Etat central doit, entre autres, respecter et renforcer l’indépendance et la transparence du système de contrôle interne, les collectivités locales, se doivent de veiller à une répartition rationnelle et équitable des infrastructures, le secteur privé doit respecter le code d’éthique et de moralisation, et enfin, les ONG et associations doivent davantage se mobiliser pour renforcer les mécanismes, outils et initiatives de veille citoyenne.

Le ministre de l'eau, Dona Jean-Claude Houssou s'adressant aux participants

Le ministre de l’eau, Dona Jean-Claude Houssou s’adressant aux participants (Photo A.T)

Au total, les participants ont dans les groupes de réflexion, approfondi les questions relatives aux modes d’adoption et  d’adhésion; le cadre institutionnel de la mise en œuvre, le mode de financement proposé ou encore la formalisation de la charte, les sanctions et le cadre logique. Au terme de l’atelier, plusieurs recommandations ont été faites pour faciliter la mise en œuvre du mécanisme d’opérationnalisation qui a aussi été validé.

Alain TOSSOUNON (Coll.)

April 1, 2016

Lancement du rapport mondial sur l’intégrité de l’eau 2016 : La corruption, toujours une menace pour le secteur

Alain TOSSOUNON (Bénin) 

A l’occasion de la Journée Mondiale de l’Eau[1] (JME) 2016 célébrée autour de thème « Eau et emploi », le réseau pour l’intégrité de l’eau WIN (Water and Integrity Network) a procédé ce jour 22 mars, au lancement du Rapport Mondial sur l’Intégrité de l’Eau 2016. Huit ans après un premier rapport sur la corruption dans le secteur de l’eau, le présent  rapport vient une fois encore de souligner l’impérieuse nécessité d’agir vite pour enrayer la corruption dans le monde et dans chaque pays.

Le manque d'intégrité et la corruption sont prejudiciables au secteur de l'eau

Le manque d’intégrité et la corruption sont préjudiciables au secteur de l’eau

Selon le rapport, on estime qu’une perte de 10% des investissements en raison de la corruption implique des déficits annuels dans le secteur s’élevant à  plus de 75 milliards de dollar US. Se fondant sur les exemples du Bénin, du Malawi ou de la Californie pour la seule année 2015, le rapport dénonce de nombreux exemples de prévarication de fonds destinés au secteur qu’il qualifie de « grande corruption ».

En effet, le bilan depuis 2008 montre qu’on n’enregistre toujours pas de changement et que la corruption s’est accru dans le secteur. « Aucun signe ne permet de penser que la corruption aurait diminué depuis 2008. Les scandales répétés dans le secteur et dans d’autres domaines suggèrent qu’elle est toujours aussi répandue », se désole le rapport. En dehors du détournement des fonds publics au niveau des institutions publiques ou dans le cadre des interactions avec le secteur privé, le rapport pointe également du doigt, la planification et la construction des infrastructures dans les domaines des services de l’eau, de l’irrigation ou encore de l’hydroélectricité.  Selon le contenu du rapport, on assiste dans certains pays, à une planification fantaisiste ou à la manipulation des données dans les projets de construction des ouvrages. Dans le cas du Pakistan par exemple, le rapport nous apprend que 80% des indemnisations ont été attribuées à des faux propriétaires dans le processus de déplacement des populations pour la construction de barrages.

Pas très tendre avec ce qui est communément appelé petite corruption, le rapport s’indigne et soutient que « de petits vols peuvent s’accumuler et équivaloir à la grande fraude ». Ainsi, la petite fraude est tout autant condamnable que la grande comme par exemple le prélèvement illégal de l’eau auquel le rapport s’attaque. C’est le cas de la capitale d’eThekwini de kwaZulu-Natal en Afrique du Sud qui a perdu en une année, plus du tiers de son eau à cause des raccordements illégaux ayant créé un manque à gagner de 44 millions de dollar US.

Des mesures pour combattre la corruption

Tout en dénonçant les mauvaises pratiques et les différentes formes de corruption dans le secteur de l’eau, le rapport propose des mesures pouvant contribuer à enrayer le phénomène. En matière de politiques et de législation, indiquant qu’elles peuvent être soumises à l’influence des groupes puissants, le rapport recommande une étroite collaboration entre le secteur de l’eau, les groupes et associations de lutte contre la corruption, le secteur privé, les institutions de finances publiques et le pouvoir judiciaire. Une telle collaboration devrait permettre de mettre en lumière les lacunes et dysfonctionnements qui encouragent la corruption sous toutes ses formes. Déjà, il mentionne le bel exemple de la protection légale des dénonciateurs ayant reçu l’accord des Centres d’action et de conseil juridique (ALAC)  dans 50 pays.

Ainsi, les politiques comme les lois peuvent contribuer, lorsqu’elles sont bien adoptées et mises en application, à réduire la corruption et permettre aux populations de faire respecter leurs droits.

S’agissant des questions de financement, le rapport signale qu’ « aucun système de financement, qu’il soit public ou privé n’est à l’abri de la corruption ». Soulignant les pratiques courantes comme les pots-de-vin ou les attributions frauduleuses de marchés, la production de rapports financiers biaisés, le rapport s’en prend aussi à la mauvaise coordination du secteur. Selon le résumé du rapport, « à l’échelle nationale, des sous-secteurs sont gérés par différents ministères et gérés de différentes manières en raison de la faiblesse du système de gestion des finances publiques ». Comme remède, le rapport invite les institutions de contrôle financier à coopérer avec la société civile pour « gagner du terrain ». Parlant des partenaires du secteur, le rapport préconise un renforcement des systèmes financiers des pays pour une aide plus performante.

Pour terminer, le rapport rappelle que les Objectifs de Développement Durables (ODD) prennent en compte les notions de Transparence, la Redevabilité et la Participation (TRP). De même, les principes définis par l’Organisation de Coopération et de Développement (OCDE) sur la gouvernance de l’eau, rappellent que l’intégrité, les notions de TRP, et le combat contre la corruption sont des « éléments cruciaux » pour améliorer la gestion de l’eau. Ainsi, une fois encore après 2008, le réseau WIN et Transparency International sonnent la sonnette d’alarme pour montrer que la corruption et le manque d’intégrité sont préjudiciables pour le secteur de l’eau. Et le rapport de conclure que « lorsque les ressources seront épuisées et que l’environnement sera dévasté, chacun y perdra finalement ».

 

Encadré : Le Bénin épinglé

Cité comme un mauvais exemple dans le rapport, le Bénin paie une fois encore le prix de « l’affaire PPEA2 » au niveau international. Le rapport qui à partir de son lancement hier 22 mars, circulera dans le monde entier rappelle le détournement  des  4 millions d’euro provenant du financement néerlandais dans le cadre de la mise en œuvre de la 2e phase du Programme Pluriannuel d’appui au secteur de l’eau et de l’assainissement (PPEA2).

Une triste situation qui a conduit à la décision de suspension par le Royaume des Pays-Bas à travers son ambassade au Bénin, de la deuxième phase du Programme Pluriannuel d’appui au secteur de l’Eau et de l’Assainissement au Bénin PPEA2 d’un montant de 40,524 milliards de francs CFA en cours d’exécution pour la période 2013-2015 suite à la mauvaise gestion des fonds du programme à la Direction Générale de l’Eau (DGEau). Maintenant qu’on connait les problèmes, il convient d’apporter des remèdes efficaces et comme le soutient le rapport, ne plus laisser « prospérer la corruption et menacer l’intégrité dans notre pays »