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October 3, 2019

Taux d’acccès à l’eau et à l’assainissement: Les raisons du décalage entre la réalité et les chiffres

             Les journalistes au cours des travaux

Idrissa SANE (Envoyé spécial à Accra)

Les outils utilisés par beaucoup de pays pour mesurer des performances en matière d’accès à l’eau et à l’assainissement comportent des biais. La conséquence, les taux ne reflètent pas toujours les réalités sur le terrain. Pourtant les experts ne sont pas clairs sur la promotion d’harmonisation des instruments de mesure.

Un décalage entre les chiffres et la réalité. Dans beaucoup de pays africains, les taux d’accès aux services d’eau et d’assainissement ne reflètent pas souvent les faits. Ce constat a été confirmé par des experts qui ont présenté une communication lors de l’atelier de formation sur les droits humains relatifs à l’eau et à l’assainissement au profit du Réseau ouest africain des journalistes pour l’ Eau, l’Hygiène et l’Assainissement  (Wash-Jn). En plus des données officielles ne sont pas conformes à celles générées par des organismes indépendants ou des organisations de la société civile.  « Il y a des contestations au niveau national, mais tout cela nous permet de voir si nous tendons vers l’accès universel et si nous respectons des droits humains liés à l’eau et à l’assainissement », tente de comprendre, Ouangré Landry Wendsomdé, Manager Droits Humains Eau et Assainissement  qui a invoqué plusieurs facteurs pouvant expliquer ces chiffres qui ne reflètent pas toujours la réalité. Il s’agit des instruments de mesure. Il y a des méthodes qui comportent plus de biais c’est-à-dire qui ne concourent pas à minimiser les marges d’erreurs. A cela s’ajoute, l’insuffisance de ressources financières pour conduire de manière régulière des enquêtes sur l’étendue du territoire.  « Ce décalage peut s’apprécier en fonction des outils et des indicateurs des pays. Il ne peut avoir aussi des problèmes de moyens car pour évaluer les progrès accomplis en matière de réalisation des Odd, il faut beaucoup de ressources financières », analyse l’expert, au cours d’un atelier organisé en collaboration par WaterAid et Speak Up Africa, à Accra, au Ghana. C’était au cours d’un atelier de formation en plaidoyer sur les droits humains relatifs à l’eau et l’assainissement à l’intention des journalistes de l’Afrique de l’Ouest notamment ceux membre du Réseau Wash.

L’expert se garde de recommander une harmonisation des méthodes de mesure. Le plus important, c’est de disposer des outils appropriés permettant d’apprécier de manière plus fiable les  performances au regard des engagements pris par les Etats au niveau international. « Pour arriver à l’accès universel en 2030, il faudrait trouver des indicateurs adéquats qui nous permettent de mesurer  le chemin parcouru. Au niveau international, il y a des indicateurs des Odd qui peuvent être appropriés. Notre manière de mesurer doit pouvoir renseigner des indicateurs », propose Ourange Landry Wendsomdé, le manager droits humains relatifs à l’eau et à l’assainissement de WaterAid Burkina Faso.

Tout compte faits plusieurs enjeux se cachent derrière la diffusion des chiffres. Les gouvernements et les organisations de la société civile n’ont pas les mêmes motivations. Au fond, les autorités étatiques cherchent souvent à montrer à l’opinion nationale et internationale qu’elles accomplissent des progrès, qu’elles s’occupent de la prise en charge des besoins des populations  alors que la société civile veut inciter le pouvoir public à faire davantage d’efforts. « Ce qui est derrière ces meilleurs chiffres, c’est de montrer que l’Etat travaille, qu’il réalise les droits des citoyens. Les gouvernements veulent montrer que leurs performances correspondent aux engagements  pris », observe l’expert. Lui comme son prédécesseur, Al-Hassan Adam, de WaterAid  sont convaincus que des journalistes ont un rôle à jouer en assurant un rôle de veille, d’interpellation des autorités étatiques sur les engagements pris au niveau international.  « Le journaliste a besoin de données fiables, il doit parvenir à faire de la triangulation en montrant ce qui existe et en amenant les politiques à revoir leurs stratégies », pense Ouangre Landry Wendsomdé.

 

 

May 20, 2019

Dr Halidou Kouanda au sommet Africasan5 : «Il y a des initiatives et des expériences intéressantes à travers l’Afrique et le monde »

La 5e Conférence internationale sur l’hygiène, l’eau et l’assainissement (AfricaSan 5) s’est tenue en Afrique du Sud précisément à Cape Town du 18 au 24 février 2019. Le Burkina Faso y a participé. Le pays des Hommes intègres s’y est rendu avec des techniciens, des experts et des professionnels de l’eau, l’hygiène et l’assainissement. A la fin des travaux, nous avons saisi l’occasion pour échanger avec l’un d’entre eux. Il s’agit du Dr Halidou Kouanda, Directeur Pays de WaterAid Burkina Faso. Voici ce qu’il nous a confié. Lisez plutôt !

 

Dr Halidou Kouanda, Directeur Pays de WaterAid au Burkina-Faso (Crédit Photo: Faso.net)

Au terme de cette 5e Conférence qui vient de se tenir à Cape Town en Afrique du Sud, qu’est-ce qu’il faut retenir comme principaux enseignements ?

Le premier enseignement qu’il faut retenir, c’est l’engagement renouvelé des Etats africains et de l’ensemble des acteurs pour faire de l’assainissement une priorité. Car les bénéfices qu’on peut avoir avec un assainissement amélioré sont très importants surtout sur le plan économique et sanitaire. Pour que l’accès universel à l’assainissement soit une réalité d’ici 2030 partout sur le continent africain, il est nécessaire que les personnes actuellement exclues du service puissent être touchées par les différentes interventions. Le second enseignement est relatif aux innovations qui ont été présentées. On a vu toute cette semaine beaucoup d’innovations en matière d’assainissement surtout dans le domaine de la technologie. Pour un pays comme le Burkina Faso où les ressources en eau se font de plus en plus rares, il est impératif d’utiliser des technologies moins exigeantes en eau. Par exemple, il nous faut réduire les quantités d’eau (potable) utilisée par les toilettes à chasse. Nous en avons vues au niveau des stands d’exposition qui n’utilisent que 1,5 à 2 litres. Le troisième enseignement c’est l’apprentissage et le partage d’expériences. Nous avons eu l’opportunité d’échanger à travers les différentes communications et les sessions qui ont été organisées. Il y a des initiatives et des expériences intéressantes à travers l’Afrique et le monde. Elles ont été menées avec succès grâce à des hommes et des femmes qui ont assuré un leadership de haut niveau. En ce qui concerne le cas spécifique du Burkina Faso, nous attendons qu’à la suite du président du Faso le ministère en charge de l’eau et de l’assainissement assure un leadership clair, fort et sans relâche sur tous les maillons du secteur.

 

L’évaluation des engagements pris à Ngor au Sénégal a montré qu’il y a eu très peu de progrès par rapport à cette 5e conférence. Selon vous, comment les Etats peuvent-ils combler ce déficit d’engagement ?

Il y a des efforts qui ont été fournis par les Etats mais on est encore très loin des objectifs communément fixés. Tant que les départements ministériels qui gèrent les ressources financières de nos Etats ne vont pas consacrer un minimum de moyens pour le secteur de l’eau et l’assainissement, les engagements pris çà et là par les gouvernements ne seront pas tenus. Si pour une raison ou une autre, on réduit les budgets déjà insuffisants alloués au secteur, vous comprendrez que les indicateurs de progrès ne feront que stagner. S’engager c’est bien, se donner les moyens de réaliser ses engagements c’est encore mieux. Au-delà des ressources financières, il faut que les leaders donnent l’exemple. Il est très fréquent de voir dans nos villes des comportements qui trahissent les ambitions des plus hautes autorités de faire du Burkina Faso un pays moderne. Je veux parler de la défécation dans les caniveaux et autres espaces non bâtis, de jour comme de nuit, et à visage découvert. Fort heureusement, cette pratique est rarement observée chez les femmes. Chacun de nous a un parent cher ou une personne chère qui vit au village et que nous pouvons aider à disposer d’une latrine ne serait-ce que simple, plutôt que d’attendre que la mairie s’en charge. Un leadership fort et actif combiné à une solidarité agissante peuvent nous faire faire un bond significatif vers l’accès universel à l’assainissement dans les délais convenus.

 

Vous prenez le cas spécifique du Burkina Faso, que compte faire WaterAid pour aider les populations?

Nous allons renforcer ce que nous faisons déjà, notamment le plaidoyer pour davantage de budget pour l’assainissement, le renforcement des capacités des différents acteurs, notamment des communes, un leadership renforcé du ministère en charge de l’eau et de l’assainissement. Notre contribution c’est aussi des actions concrètes à travers les différents projets que nous mettons en oeuvre. Il va falloir accélérer la sensibilisation des populations pour l’adoption des bonnes pratiques d’hygiène et l’entretien des ouvrages. Nous continuerons de participer au dialogue sectoriel pour faire entendre la voix des communautés. Nous bénéficions pour cela de l’appui de partenaire, tels que la Coopération suédoise, la Coopération danoise, l’Union européenne, l’Unicef, les fondations Bill et Melinda Gates, Margarett A. Cargill, Helmsley Trust. Nous sommes reconnaissants de cet accompagnement sans lequel ce serait difficile d’agir sur le terrain. Une des résolutions prises à cette 5e conférence est l’interpellation des chefs d’Etat de l’UA par rapport aux engagements de Ngor, quel commentaire en faites-vous ? Vu le niveau de progrès de l’ensemble des pays, cette interpellation à l’endroit des gouvernements vient à point nommé parce qu’ils sont les chefs d’orchestre. Je pense que cette interpellation devrait véritablement pousser les Etats à faire davantage d’efforts pour que les engagements qui ont été pris à Ngor ne restent pas lettre morte puisque 2030 n’est pas si loin. C’était aussi une bonne plateforme pour le faire. La charge revient aux participants des différents pays y compris le Burkina Faso, une fois de retour, de rendre publique la déclaration de Cape Town. Il ne faudra pas se contenter de communiquer, mais il faut aussi mieux s’organiser, mutualiser les moyens pour mieux agir parce que le pays a besoin des efforts de toutes les catégories d’acteurs. Quelles sont concrètement les perspectives pour WaterAid dans les 6 prochains mois ? Pour ce qui nous concerne, nous allons poursuivre le plaidoyer en faveur de l’assainissement mais aussi accélérer la mise en œuvre des projets et programmes que nous conduisons déjà. Nous envisageons organiser au cours de l’année 2019, une conférence régionale sur la gestion des boues de vidange qui sont une problématique émergente pour l’ensemble de nos pays mais encore plus pour le Burkina Faso quand on sait que rien que dans la ville de Ouagadougou, les espaces qui sont offerts aux vidangeurs pour décharger les boues collectées au niveau des familles, se rétrécissent. En la matière, il y a urgence à agir et cette conférence va réunir l’ensemble des acteurs du Burkina Faso et des pays de l’Afrique de l’Ouest pour y réfléchir et partager les expériences. Nous espérons bénéficier de l’accompagnement de tous les acteurs au niveau du Burkina Faso mais aussi, des organisations sous régionales et internationales.

Le nerf de la guerre, c’est le financement, est-ce que vous bénéficiez de l’accompagnement des partenaires techniques et financiers pour ce projet ?

Pour cette conférence, nous avons déjà un soutien financier de la fondation Bill et Melinda Gates. Nous avons bon espoir que nous pourrons boucler le budget pour offrir les meilleures conditions de réflexion aux participants. Je suis très confiant que d’autres acteurs, tels que l’ONEA et certains ministères s’associeront à cette initiative. Ensemble, nous y arriverons.

 

                                       Propos recueillis par Ben Issa TRAORE/Journal le Pays