Posts tagged ‘hygiene’

May 16, 2019

Félix Adégnika: «Il faut briser tous les tabous d’exclusion liés à l’hygiène menstruelle»

Félix ADEGNIKA, Coordonnateur national Wsscc-Bénin

La question de l’hygiène menstruelle est encore un tabou dans notre société et les écoles ne sont pas préparées à faire face à la problématique lorsque les menstrues surviennent. Dans cet entretien, le Coordonnateur du Conseil de concertation pour l’approvisionnement en eau et l’assainissement (Wsscc) dont l’organisation travaille sur cette problématique, lève un coin de voile sur la situation dans les établissements scolaires avant de proposer des pistes de solution pour que le Bénin encore en retard, rejoigne les pays de la sous-région qui ont fait de cette problématique, une priorité.

Que savez-vous de la gestion de l’hygiène menstruelle dans nos écoles au Bénin?

La problématique de la gestion de l’hygiène menstruelle est une problématique mondiale. D’ailleurs, la communauté internationale a vu l’importance de cette thématique en l’inscrivant dans les Objectifs de développement durable (Odd 6.2)  en accordant une attention particulière aux besoins des femmes et des filles et des personnes en situation vulnérable. Là où on parle d’équité et de la non-discrimination. Au plan mondial, les adolescentes surtout, perdent 4 à 5 jours d’école par mois. C’est une perte énorme. Une récente étude de la Fondation Claudine Talon a montré que 13% des cas d’abandon des filles dans les cours du primaire pour 50% sont liés à la question de la gestion de l’hygiène menstruelle et pour deux raisons fondamentales : la première, c’est les railleries, qui comptent pour 30%, et pour 70% les malaises  que les filles ressentent. Dès que la fille est tâchée à l’école, et les filles sont de plus en plus précocement réglées, les autres garçons pensent qu’elle « a fait voyou », et elle file droit à la maison, parce que les mamans, n’ont pas préparé les filles à connaître leur corps, à savoir que ça peut arriver à tel moment, et les dispositions qu’il faut prendre. On perd beaucoup de filles qui ne viennent pas à l’école pendant 5 jours et après, abandonnent l’école. Vous voyez tout ce que ça pose comme problème pour le maintien des filles à école ?  La deuxième raison, dans la communauté, c’est encore plus grave. Une femme qui a ses règles ne peut pas faire à manger à son mari ; elle ne peut même pas dormir près de son mari. Il faut briser tous ces tabous d’exclusion qui causent d’énormes préjudices au bien-être social.

Que peut-on faire pour briser les tabous?

A dire vrai, le Bénin est encore en retard par rapport à cette problématique parce qu’il n’y a pas encore de position officielle. Une bonne partie des ONG qui interviennent le font de façon isolée. La première structure qui s’en occupe au Bénin et dont on peut parler, c’est la Fondation Claudine Talon. Mais, Catholic relief service par le passé a fait une étude qui a montré l’importance de la question. Il n’y a pas de position officielle. Wsscc est en train de proposer un plan d’action pour 2019. Nous en avons discuté avec la première dame à qui nous avons demandé de parrainer cet événement. On veut même lui proposer d’être l’ambassadrice de la gestion de l’hygiène menstruelle au Bénin. Nous allons avoir, probablement vers la fin mai 2019, un dialogue des parties prenantes. Tous ceux qui interviennent dans le secteur vont se mettre autour d’une table pour faire la cartographie des interventions ; la cartographie des acteurs pour mesurer l’importance de la problématique. De cette rencontre on va sortir une feuille de route. Nous avons des idées par rapport à ce que Wsscc a fait au Sénégal, au Cameroun, au Niger et qui a porté des fruits.  Nous sommes en train de courir pour trouver d’autres partenaires, Unicef, Plan Bénin…pour qu’on puisse aller ensemble à ce dialogue afin d’élaborer la feuille de route. Pour le moment, on a assuré le financement de cette table ronde mais on n’est pas sûr de pouvoir couvrir les charges qui vont découler de la feuille de route que le Bénin va élaborer. Notre objectif, c’est d’attirer l’attention sur le sujet, de faire en sorte que la gestion de l’hygiène menstruelle puisse rentrer dans les politiques et les stratégies de développement. Vous avez vu ce que ça entraîne au niveau des écoles, au niveau des enfants, au niveau de la famille. On n’a pas fait une étude sérieuse pour mesurer l’importance économique et sociale du phénomène. Mais, il faudra le faire pour prendre conscience. Le deuxième point de l’action que nous envisageons de faire, c’est ce que les anglophones appellent le « TOT» (Training of trainers) en français « formation des formateurs ». Nous voulons avoir une masse critique de personnes qui sont déclenchées (journalistes, universitaires, acteurs de la société civile…), qui seront sensibilisées sur le sujet. On va avoir les experts d’Onu Femmes, les experts de Wsscc qui viendront de Genève et des pays africains qui ont déjà fait l’expérience et qui viendront nous former pour qu’on puisse retourner sur le terrain, au niveau infra national, au niveau communautaire pour pouvoir remuer la question. Notre souhait est que l’Etat puisse prendre conscience de cette problématique pour pouvoir l’intégrer. Cela n’existe nulle part. On a dû forcer pour qu’on puisse la mettre dans la stratégie nationale de promotion de l’hygiène et de l’assainissement de base. C’est juste marqué ‘’la Gestion de l’hygiène menstruelle est une préoccupation’’. On ne l’a pas déclinée en plan, en activités, en plan d’actions avec un financement précis pour adresser le problème. On va faire vers la table ronde des parties prenantes, on va faire la formation des formateurs qu’on veut leur proposer de mettre dans le plan d’actions. Si cela est retenu dans le plan d’actions, Wsscc pourra financer en cherchant des partenariats ; après on va organiser une table ronde de haut niveau pour amener les bailleurs de fonds à financer la feuille de route. La première dame a une idée claire dans sa tête, elle est très engagée sur les questions d’hygiène menstruelle et on peut compter sur elle.

Mais, il y a le problème du manque d’infrastructures adéquates  dans nos établissements scolaire pour faire face à la situation…

C’est un tout. Aujourd’hui, on dit que 89% des écoles sont dotées de latrines. Théoriquement, les latrines sont là mais, pour la moitié, ces latrines-là ne sont pas fonctionnelles, pour la moitié elles ne sont pas sexo-spécifiques. Dans une école, vous avez peut-être deux blocs mais un bloc est réservé aux enseignants et c’est un seul bloc qui est réservé à près de 300 élèves. Les gens font la queue, ceux qui ne peuvent pas supporter 15 minutes d’attente vont déféquer à l’air libre. Le plus grave, c’est les filles qui ont leurs règles. C’est très difficile pour elles de pouvoir se changer. Dans notre tête, et compte tenu de ce qu’on a fait dans les autres pays, nous savons ce qu’il faut faire mais on ne veut rien imposer au Bénin. Au Sénégal par exemple, dans chaque école on a des pairs/paires éducateurs/éducatrices. Dès que la fille a ses règles, elle va voir cette personne qui la prend en charge. Dans les écoles, on met à la disposition des filles, des kits qu’on appelle ‘’coin Ghm’’ où on sait que la fille peut se changer rapidement, qu’elle peut être prise en charge rapidement si elle a des malaises. Vous savez, les problèmes sont énormes et malheureusement ne sont pas adressés. Moins de la moitié des écoles, surtout en milieu rural ont un point d’eau. Pour se changer, pour se laver, il faut de l’eau propre. Il faut inclure cela dans une stratégie et j’aimerais qu’on puisse aller vers cela mais je ne peux rien vous dire aujourd’hui. C’est le Bénin qui va choisir sa voie. Si on se met autour de la table et qu’on discute, on va pouvoir gérer ce qui va en découler.

Propos recueillis par Alain TOSSOUNON

Tags: , , ,
May 30, 2015

Hygiène menstruelle: Des élèves sensibilisés à briser les tabous

Florette MANEDONG (Cameroun)

C’est une initiative de Camerwash en partenariat avec Efacam, positive génération et Fapefe qui ont décidé de mener dans 02 établissements de la ville de Yaoundé, des causeries éducatives dans le sens de briser les tabous autour des menstruations. Ce en marge de la célébration de la journée internationale de l’hygiène menstruelle.

Photo de famille des élèves et les pairs éducateurs à la fin des activités

Photo de famille des élèves et les pairs éducateurs à la fin des activités

Aujourd’hui, sur le continent africain, une fille sur 10 ne va pas à l’école quand elle a ses règles. En inde, dans beaucoup de familles, et dans certaines familles musulmanes au Cameroun et ailleurs les femmes n’ont pas le droit d’entrer dans la cuisine pendant le temps de leurs règles, et tout ce qu’elles touchent sera nettoyé. Certains les enferment dans une chambre pendant des jours. Interdit également d’entrer dans un temple. Il y en a même un, au Kerala, qui interdit toute femme d’y mettre un pied entre le jour de ses premières règles adolescentes et sa ménopause ! L’hygiène menstruelle reste un sujet tabou.
Pourtant, il faut en parler. Le Water supply and sanitary collaborative council (Wsscc) considère que l’ignorance des besoins des femmes qui ont leurs règles représente une violation de leurs droits. Pour faire tomber le tabou qui entoure ce phénomène, il faut tout d’abord transmettre aux femmes et aux filles les informations et les connaissances qui leur permettront de parler librement de leurs menstruations. Ensuite, il faut satisfaire les besoins d’ordre pratique liés à leurs règles, tels que l’intimité, l’eau pour laver leurs vêtements, et des endroits où faire sécher les vêtements partout où des filles et des femmes jouent, étudient, travaillent ou se détendent. Ceci implique également de leur fournir des installations adaptées pour l’élimination décente des serviettes souillées.
Etre fières et non honteuses
C’est pour satisfaire à cette première exigence qu’un groupe d’Organisation non gouvernemental (Ong), notamment Camerwash et ses partenaires, ont décidé de sensibiliser les élèves et écoliers de 2 établissements scolaires de la ville de Yaoundé. Ce sont donc les écoliers de la classe de Cm2 de l’école primaire et maternelle bilingue privée Noula situé à Nkomo-awaé au lieu dit maison rouge et les élèves du collège Sigmund Freud, du quartier Mendong à Yaoundé ont bénéficiers des précieux conseils des paires éducateurs desdites associations les 18 et 19 mai 2015 dernier. Leur démarche s’inscrit dans le cadre de la célébration de la journée internationale de l’hygiène menstruelle qui se célèbre les 28 mai chaque année. Ils ont souhaité tenir leur activité en prélude à cette journée.
Ils ont de ce fait, articulé leurs présentations autour de la gestion de l’hygiène menstruelle. C’est ainsi que, les jeunes gens ont pu apprendre que, selon le Wsscc, Le cadre de gestion de l’hygiène menstruelle (Mhm) englobe trois dimensions interdépendantes de la gestion hygiénique des menstruations. Il s’agit dans un premier temps de briser le silence en promouvoir la compréhension du cycle menstruel comme un fait de la vie et un élément biologique féminin distinct dont les femmes doivent être fières, et non honteuses. Les jeunes filles doivent de ce fait être encouragées à s’exprimer et à discuter de ce phénomène biologique de manière enrichissante et positive afin de les préparer psychologiquement et physiquement à l’apparition de leurs règles et aux périodes de menstruation à venir. Selon le Coordonateur National de CAMERWASH, Leclère DIFFO, « l’activité organisée dans les deux établissements à Yaoundé, va s’intensifier à travers le pays, et qu’il invite toutes les organisations œuvrant dans le secteur de la santé humaine et du genre à se joindre à eux».
Préoccupations
Deuxièmement, gérer les menstruations de manière sûre et hygiénique, en s’assurant de la disponibilité d’une eau salubre en quantité suffisante, de produits de nettoyage et de lavage, ainsi que d’ espaces privés permettant de gérer les menstruations de façon hygiénique, dans l’intimité et avec dignité, au sein des foyers et dans les espaces publics. Et enfin, promouvoir des solutions sûres en vue de la réutilisation et de l’élimination, en s’assurant que des systèmes de réutilisation des serviettes hygiéniques, de collecte et d’élimination des déchets menstruels ne présentant aucun danger pour l’environnement sont mis en place. Des conseils sur le mécanisme de fonctionnement du cycle menstruel ainsi que de la puberté ont également été apportés aux élèves à leur demande. Ces derniers ont également été fortement préoccupés par les douleurs pendant les règles, à quel âge une fille devrait avoir ses règles et à quel âge ceux-ci disparaissent. Au terme de leurs échanges, des messages pour briser le silence autour des menstrues ont été rédigés avec l’aide de pairs éducateurs.