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July 3, 2019

Revue Sectorielle Eau et Assainissement Gestions 2018 : Sous le signe de « la démocratisation de l’accès à l’eau »

Alain TOSSOUNON (Cotonou/Bénin)

Les acteurs du secteur de l’eau et de l’assainissement se sont retrouvés les  28 et 29 juin 2019 à Bénin Royal Hôtel de Cotonou,  pour la traditionnelle revue sectorielle. Ouverte par le ministre en charge de l’eau et des mines, Samou Séidou Adambi, la rencontre a une fois encore permis aux acteurs, de partager et d’échanger sur les progrès mais aussi de mener des réflexions sur des préoccupations majeures en vue d’assurer aux populations, un accès durable à l’eau et à l’assainissement.

Les officiels à l’ouverture des travaux de la revue

C’est pour la 16e fois que les cadres des ministères sectoriels de l’eau et de la santé, les acteurs locaux, les Acteurs Non Étatiques, le secteur privé, les Partenaires Techniques et Financiers  ont été convié à cet exercice de bilan annuel des interventions. En souhaitant la bienvenue aux participants à la cérémonie d’ouverture, le Directeur Général de l’eau (DGEau), Phillipe Armand Adjomayi, a rappelé que cela faisait exactement un an que la précédente revue s’est déroulée. Se félicitant de la tenue de cette rencontre, il a souligné que les revues annuelles constituent « des assises indispensables » pour échanger sur l’avenir du secteur. Elles permettent de « projeter, de planifier et de réaliser d’importants projets », a-t-il ajouté avant de confier fièrement que le secteur de l’eau et de l’assainissement prend désormais son « envol d’antan».

Pour le chef de file des partenaires techniques et financiers, l’ambassadeur du Royaume des Pays-Bas, SE.M Harry van Dijk,  les politiques, stratégies et investissements engagés par le gouvernement, avec l’appui de divers partenaires techniques et financiers, sont de nature à offrir de meilleurs services d’eau potable aux populations d’ici 2021. « Nous espérons vivement que ces efforts se traduisent dans les résultats concrètes pour la partie de la population qui reste non desservie », a-t-il souligné. En matière d’hygiène et d’assainissement de base, il a invité le gouvernement à accorder la même attention au sous-secteur de l’Hygiène et de l’assainissement de base (HAB) encore à la traine. Car, selon les estimations des Nations Unies, la moitié des Béninois pratiquent encore la défécation à l’air libre. Selon l’ambassadeur, le gouvernement se doit d’accélérer la réforme relative à la restructuration du sous-secteur HAB.

En ouvrant les travaux, le ministre en charge de l’eau et des mines, Samou Séidou Adambi, a rappelé l’engagement du Président Patrice Talon de réaliser l’accès universel à travers les 3 projets phares relatifs à l’accès à l’eau potable pour les populations, le renforcement du mécanisme de suivi des ressources en eau souterraine et de surface et leur mobilisation. En termes de réalisations, le ministre a souligné le renforcement des systèmes d’approvisionnement d’eau potable de tous les centres urbains avec les branchements sociaux au profit des plus démunis et surtout, la réalisation en cours de plus de 650 nouveaux systèmes d’adductions en eau potable. Ajoutant qu’avec l’installation progressive des organes de la GIRE ainsi que l’encadrement du secteur par la loi y relative les ressources seront gérées de façon optimale, il a signalé qu’il y a « des raisons certaines pour être fiers que les défis liés à l’eau et à l’assainissement seront relevés ». Pour conclure, il a indiqué qu’avec les réalisations en cours et à venir, on tend vers une « démocratisation de l’accès à l’eau » au Bénin. Et parlant de réalisations, il faut retenir qu’avec la révision du mode de calcul du taux de desserte, le taux d’accès en eau potable en milieu rural est de 62,6% en 2018, selon les résultats de EDSB V/INSAE et de 58% en milieu urbain (Source Soneb). Suite à l’implémentation de l’approche ATPC par plusieurs partenaires, 5271 latrines familiales ont été construites en 2018.

Des recommandations pour un accès durable à l’eau et à l’assainissement

Au cours des échanges durant les deux jours de travaux, des dysfonctionnements, faiblesses ou goulots d’étranglement ont été relevés par les acteurs du secteur. Dans un premier temps, ils ont dans leur ensemble, déploré la réalisation des ouvrages d’eau potable par certaines ONG sans respect des normes en vigueur, le manque de ressources et le faible suivi des interventions des Organisations par les services déconcentrés, le faible renseignement de la Base de Données des Informations (BDI) de la DGEau, le non fonctionnement des organes GIRE notamment le retard qu’accuse l’adoption du décret portant sur l’Agence de l’eau du bassin de l’Ouémé…Surtout, les débats ont été houleux autour de la clarification des rôles des acteurs avec l’apparition de l’Agence nationale de l’approvisionnement en eau en milieu rural. Pour certains acteurs locaux, cette apparition est venue bouleverser la répartition des rôles  au point de faire dire à certains, qu’aujourd’hui, il y a une impérieuse nécessité de situer chaque acteur notamment les communes. « Avec la création de l’Agence, les communes ne se retrouvent plus. On ne sait pas dans nos communes, ce qu’on doit faire », a confié le 1er adjoint au maire de Nikki. En réponse, les représentants de l’Agence ont apporté des éléments d’informations en se référant à la Convention signée avec les communes. Malgré tout, dans les recommandations au terme des travaux, les participants ont retenu la nécessité de tenir des séances d’information sur la répartition des rôles de chaque acteur dans le contexte des réformes mais aussi le renforcement du système de suivi-évaluation, l’augmentation des ressources allouées par le budget national pour la connaissance de la ressource, l’adoption des documents de stratégie en matière d’assainissement en milieu rural et urbain, le renforcement des structures déconcentrées en moyens et les impliquer dans toutes les interventions dans le secteur….

July 3, 2019

Défécation à l’air libre et infections vaginales: Ces maux qui «tuent » les femmes de Djidah Thiaroye Kaw

Paul Kadja TRAORE (Dakar/Sénégal)

Dépourvues de toilettes au sein de leur demeure, certaines femmes qui vivent dans la commune de Djidah Thiaroye Kaw pratiquent la défécation à l’air libre. Ce, depuis plus de 50 ans. Certaines parmi elles ont vu leur toilettes s’effondrées durant la grande inondation de 2008. Durant cette période, les eaux pluviales ont envahi et détruit de nombreuses habitations dans la zone. Cependant, d’autres n’ont jamais eu de toilettes durant toute leur existence.

Djidah Thiaroye Kaw, une des 16 communes de la ville de Pikine (Sénégal). Dans cette commune  des femmes vivent dans des conditions d’hygiène difficile. Faire ces besoins les plus naturels relève d’un véritable chemin de croit. Elles le font en plein air dans un quartier populaire. Il suffit de faire un tour dans la localité pour se rendre à l’évidence. Difficile d’échanger sur cette situation sanitaire difficile d’échanger sur cette situation sanitaire ;« Arrêtez de nous importuner avec vos enquêtes «débiles» sur l’état de nos sanitaires. Vous ne faites rien pour nous aider à en disposer ». C’est avec ces mots sèchent et sur un ton rude que le père de famille, interrompt notre interview avec une de ses filles.  La colère du vieux est néanmoins justifiée par ses voisins.

En effet, ils nous renseignent que sa maison est souvent cible d’enquêtes sur les besoins de blocs sanitaires depuis quelques années maintenant. Toutefois, les promesses de ces soi-disant bienfaiteurs ne se sont jamais concrétisées. Le décor sinistre et l’odeur nauséabonde qui dégagent dans la maison, en disent long sur le vécu de ces résidents.

Cependant, avant l’arrivée de son père Fama Diagne, une fille de 16 ans, habillée d’un t-shirt marron et d’un pagne en wax aux couleurs délabrées, nous a mis au parfum de sa souffrance. « Je rêvais d’avoir un avenir meilleur que mes parents, de devenir médecin pour guérir les malades et prendre soin de mes parents.  Mais surtout, les loger dans une maison convenable où j’exigerais que les toilettes soient construits en premiers », confie notre interlocutrice. Les yeux étincelants durant sa narration, nous montre à quel point, ce rêve lui tient à cœur.

Malheureusement, poursuit-elle, après un long silence, « j’ai dû quitter l’école l’année dernière. Alors que j’étais en classe 4e secondaire ». « Je ne pouvais plus supporter les remarques de mes camarades d’écoles. Souvent, en passant dans la rue, les gens m’interpellent sur les tâches qui se trouvaient sur mes habits.  C’était une infection vaginale qui se manifestait par l’écoulement de liquide blanche dans les parties intimes »,  révèle-t-elle avec le cœur meurtrie. Poursuivant, elle souligne que ces remarques dans uns et des autres l’anéantissait au plus profond d’elle. Car, relève-t-elle, certains faisaient des efforts en me mettent sur le slip qu’elle portait afin d’éviter que les habits soient tâché.

Ainsi, elle estime que c’est la conséquence de la défécation à l’air libre. « A cause de l’absence de toilette dans la maison, pour me soulager, je  me rends à quelques mètre de chez nous dans une maison en ruine. C’est là-bas où je fais mes besoins. Et, l’état d’insalubrité de cette demeure a fini par me rendre malade »,  avoue-t-elle avec regret. Aujourd’hui, Fama Diagne espère trouver, une bonne volonté pour l’aider à se soigner et à reprendre le chemin de l’école. Son regard hagard en dit long sur sa frustration face à cette situation.

Toutefois, l’arrivée du chef de famille a mis fin à notre conversation. Cap, pour un autre quartier, toujours dans la commune de Djidah Thiaroye Kaw.

Le constat  est le même dans presque tous les grands quartiers qui constituent la communeDans ces vingtaine de quartiers, impossible pour un étranger de rester quelques minutes dans les ruelles. Les riverains dépourvus d’un bon système d’assainissement creusent dans un coin de leurs ruelles un énorme trou pour contenir les eaux usées en provenance des fosses septiques des maisons. Depuis plus de cinquante ans, les habitants de Djidah Thiaroye Kaw vivent dans ces conditions. D’autres encore pire, avec l’absence de toilette dans leur demeure.

Une vie sans toilette

Aminata Loum et ses filles squattent les endroits non fréquentés pour se « soulager»

« C’est dans les années 1968, que j’ai déménagé dans ce quartier. Je vis ici depuis plus de cinquante ans et je n’ai jamais eu de toilette dans ma maison »,  narre Aminata Loum, habitant dans le quartier Lansar.  Agée de 70 ans, la vieille que nous avons trouvé en train de faire le linge, soutient que depuis qu’elle a quitté les Allée Centenaire, au cœur de la capitale sénégalaise, elle n’a jamais eu accès à l’eau encore moins à des toilettes. « J’ai des enfants. Tous des filles. L’aînée à plus de 50 ans. Mais, filles ont grandi sans toilettes. Nous avons aménagé un coin de notre maison pour prendre le bain.  Mais également,  pour les besoins naturelles.  Nous utilisons des pots de chambres pour les enfants.  Et, les autres squattent les coins déserts. Ce qui n’est pas une évidence dans ce quartier populaire»,  renseigne Aminata Loum avec une voix pleine de tristesse. Toutefois, elle reconnait que le fait de faire la défécation à l’air libre ne l’honore. « C’est notre dignité qui est bafouée. Seulement, nous n’avons pas le choix »,  regrette-t-elle. Aminata Loum avoue également qu’elle et sa famille sont souvent sujettes de maladies respiratoires, d’infections vaginales et de constipations.  «Mes infections vaginales ruinent ma vie, par gêne je suis dans obligation de laver moi-même mes habits, car souvent mes pagnes dégagent une forte odeur ». « A mon âge c’est épuisant » s’indigne-t-elle « Face à ces maladies, nous sommes impuissantes. Parce que, nous n’avons pas les moyens de nous soigner correctement. Aussi, nous nous contentons de la prise de médicaments traditionnels. Et, ces médicaments ont peu d’effet sur nos maux », se désole la vielle dame. Au quartier de Ainoumane 3, le constat est le même : eaux usées et ordures ornent le décor. Une situation qui, visiblement, ne dérange plus personne dans ce quartier. Mais, le manque de toilette pèse sur la famille Ba. Trouvée en train de préparer le repas de midi pour sa petite famille, Dieynaba Bâ, la quarantaine, se plaint de ne pas disposer de toilette dans son foyer. «Je suis née et j’ai grandi dans ce foyer, il y a plus de 40 ans. Chaque jour, nous vivons cette situation humiliante. Le fait d’être obligé de faire nos besoins dans des maisons abandonnées avec tous les dangers que cela comporte, nous brise le cœur et affecte notre santé. Je suis, certes habituée, aux odeurs infestes qui se dégagent dans les maisons abandonnées, cela ne peut pas m’empêcher de me soulager. Mais, j’avoue qu’après cela, dès que je sors de ces toilettes la honte m’envahi. En plus, je souffre d’infection vaginale chronique, et des démangeaisons entre les cuisses, du coup je passe mon temps à me gratter. J’ai subi trois avortements déclenché par des infections vaginales aggravées », se désole-t-elle. Poursuivant sa narration, la dame dit ne pas comprendre l’absence de réaction des autorités publiques. Leur silence, dit-elle, est décevant pour la population de ces banlieues de la capitale.  «Hormis les quelques travaux d’installation de station d’épuration faite par l’Office national d’assainissement du Sénégal (Onas) qui n’est bénéfique qu’aux quartiers périphériques. La réhabilitation de la route principale qui  n’a pas résisté aux dernières inondations, rien n’a été réalisé par les autorités pour nous sortir de cette situation alarmante. Et, de nous permettre d’avoir des toilettes adéquats», tance-t-elle.

Au quartier Touba-Pikine, c’est le même scénario. Awa Samb, une maman se plaint également du manque de toilette chez elle. L’odeur infernale qui dégage à l’intérieur de sa demeure résume la situation. Cependant, elle confie-t-elle : « j’occupe une des chambre de cette maison, avec mon mari et nos trois enfants. La maison dispose de six chambres, toutes occupées par des locataires et leurs familles». Awa Samb soutient que : «Certains, parmi eux utilisent des pots de chambre, qu’ils vont déverser une fois la nuit tombée dans le bassin de rétention sise derrière notre quartier, construit pour capter l’eau pluviale enfin d’éviter l’inondation. Pour ma part, je préfère me rendre dans les maisons abandonnées ». «Mais ce qui est plus grave, souligne la dame, c’est que maintenant, nous avons constaté des serpents sortir de ces déchets et de ces eaux qui bordent de ces  maisons abandonnées. Et le danger est d’autant plus grave que nos enfants circulent tout autour sans la moindre surveillance. Ce qui du jour au lendemain risque d’avoir des conséquences incalculable». Aussi, lance-t-elle un SOS aux autorités de sa localité.

Espoir des toilettes publiques pour abréger les souffrances   

A la mairie de ladite commune, M. Déme, le chargé du cadre de vie, reconnaît que ce sont les femmes et les jeunes filles qui souffrent le plus du manque de toilettes dans leurs maisons. A l’en croire, malgré tous les efforts fournis par les différents partenaires (Etat et Ong), la commune n’arrive toujours pas à accompagner les familles dans l’installation des toilettes appropriées. « Notre commune fait partie des localités les plus démunies de la ville de Pikine. C’est ce qui explique l’absence de toilette dans certains ménages, ces occupants n’ont pas les moyens d’en disposer du coup ils se voient dans l’obligation de satisfaire leurs besoins en dehors de chez eux », précise-t-il. Avant d’ajouter que « d’autres ont été impacter par les inondations des années précédents, c’est durant ces catastrophes qu’ils ont perdu une partie de maison et leur toilettes étaient devenu impraticable ». 

En guise de solution, l’adjoint au maire, annonce la construction prochaine de toilette publique.