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July 3, 2019

Défécation à l’air libre et infections vaginales: Ces maux qui «tuent » les femmes de Djidah Thiaroye Kaw

Paul Kadja TRAORE (Dakar/Sénégal)

Dépourvues de toilettes au sein de leur demeure, certaines femmes qui vivent dans la commune de Djidah Thiaroye Kaw pratiquent la défécation à l’air libre. Ce, depuis plus de 50 ans. Certaines parmi elles ont vu leur toilettes s’effondrées durant la grande inondation de 2008. Durant cette période, les eaux pluviales ont envahi et détruit de nombreuses habitations dans la zone. Cependant, d’autres n’ont jamais eu de toilettes durant toute leur existence.

Djidah Thiaroye Kaw, une des 16 communes de la ville de Pikine (Sénégal). Dans cette commune  des femmes vivent dans des conditions d’hygiène difficile. Faire ces besoins les plus naturels relève d’un véritable chemin de croit. Elles le font en plein air dans un quartier populaire. Il suffit de faire un tour dans la localité pour se rendre à l’évidence. Difficile d’échanger sur cette situation sanitaire difficile d’échanger sur cette situation sanitaire ;« Arrêtez de nous importuner avec vos enquêtes «débiles» sur l’état de nos sanitaires. Vous ne faites rien pour nous aider à en disposer ». C’est avec ces mots sèchent et sur un ton rude que le père de famille, interrompt notre interview avec une de ses filles.  La colère du vieux est néanmoins justifiée par ses voisins.

En effet, ils nous renseignent que sa maison est souvent cible d’enquêtes sur les besoins de blocs sanitaires depuis quelques années maintenant. Toutefois, les promesses de ces soi-disant bienfaiteurs ne se sont jamais concrétisées. Le décor sinistre et l’odeur nauséabonde qui dégagent dans la maison, en disent long sur le vécu de ces résidents.

Cependant, avant l’arrivée de son père Fama Diagne, une fille de 16 ans, habillée d’un t-shirt marron et d’un pagne en wax aux couleurs délabrées, nous a mis au parfum de sa souffrance. « Je rêvais d’avoir un avenir meilleur que mes parents, de devenir médecin pour guérir les malades et prendre soin de mes parents.  Mais surtout, les loger dans une maison convenable où j’exigerais que les toilettes soient construits en premiers », confie notre interlocutrice. Les yeux étincelants durant sa narration, nous montre à quel point, ce rêve lui tient à cœur.

Malheureusement, poursuit-elle, après un long silence, « j’ai dû quitter l’école l’année dernière. Alors que j’étais en classe 4e secondaire ». « Je ne pouvais plus supporter les remarques de mes camarades d’écoles. Souvent, en passant dans la rue, les gens m’interpellent sur les tâches qui se trouvaient sur mes habits.  C’était une infection vaginale qui se manifestait par l’écoulement de liquide blanche dans les parties intimes »,  révèle-t-elle avec le cœur meurtrie. Poursuivant, elle souligne que ces remarques dans uns et des autres l’anéantissait au plus profond d’elle. Car, relève-t-elle, certains faisaient des efforts en me mettent sur le slip qu’elle portait afin d’éviter que les habits soient tâché.

Ainsi, elle estime que c’est la conséquence de la défécation à l’air libre. « A cause de l’absence de toilette dans la maison, pour me soulager, je  me rends à quelques mètre de chez nous dans une maison en ruine. C’est là-bas où je fais mes besoins. Et, l’état d’insalubrité de cette demeure a fini par me rendre malade »,  avoue-t-elle avec regret. Aujourd’hui, Fama Diagne espère trouver, une bonne volonté pour l’aider à se soigner et à reprendre le chemin de l’école. Son regard hagard en dit long sur sa frustration face à cette situation.

Toutefois, l’arrivée du chef de famille a mis fin à notre conversation. Cap, pour un autre quartier, toujours dans la commune de Djidah Thiaroye Kaw.

Le constat  est le même dans presque tous les grands quartiers qui constituent la communeDans ces vingtaine de quartiers, impossible pour un étranger de rester quelques minutes dans les ruelles. Les riverains dépourvus d’un bon système d’assainissement creusent dans un coin de leurs ruelles un énorme trou pour contenir les eaux usées en provenance des fosses septiques des maisons. Depuis plus de cinquante ans, les habitants de Djidah Thiaroye Kaw vivent dans ces conditions. D’autres encore pire, avec l’absence de toilette dans leur demeure.

Une vie sans toilette

Aminata Loum et ses filles squattent les endroits non fréquentés pour se « soulager»

« C’est dans les années 1968, que j’ai déménagé dans ce quartier. Je vis ici depuis plus de cinquante ans et je n’ai jamais eu de toilette dans ma maison »,  narre Aminata Loum, habitant dans le quartier Lansar.  Agée de 70 ans, la vieille que nous avons trouvé en train de faire le linge, soutient que depuis qu’elle a quitté les Allée Centenaire, au cœur de la capitale sénégalaise, elle n’a jamais eu accès à l’eau encore moins à des toilettes. « J’ai des enfants. Tous des filles. L’aînée à plus de 50 ans. Mais, filles ont grandi sans toilettes. Nous avons aménagé un coin de notre maison pour prendre le bain.  Mais également,  pour les besoins naturelles.  Nous utilisons des pots de chambres pour les enfants.  Et, les autres squattent les coins déserts. Ce qui n’est pas une évidence dans ce quartier populaire»,  renseigne Aminata Loum avec une voix pleine de tristesse. Toutefois, elle reconnait que le fait de faire la défécation à l’air libre ne l’honore. « C’est notre dignité qui est bafouée. Seulement, nous n’avons pas le choix »,  regrette-t-elle. Aminata Loum avoue également qu’elle et sa famille sont souvent sujettes de maladies respiratoires, d’infections vaginales et de constipations.  «Mes infections vaginales ruinent ma vie, par gêne je suis dans obligation de laver moi-même mes habits, car souvent mes pagnes dégagent une forte odeur ». « A mon âge c’est épuisant » s’indigne-t-elle « Face à ces maladies, nous sommes impuissantes. Parce que, nous n’avons pas les moyens de nous soigner correctement. Aussi, nous nous contentons de la prise de médicaments traditionnels. Et, ces médicaments ont peu d’effet sur nos maux », se désole la vielle dame. Au quartier de Ainoumane 3, le constat est le même : eaux usées et ordures ornent le décor. Une situation qui, visiblement, ne dérange plus personne dans ce quartier. Mais, le manque de toilette pèse sur la famille Ba. Trouvée en train de préparer le repas de midi pour sa petite famille, Dieynaba Bâ, la quarantaine, se plaint de ne pas disposer de toilette dans son foyer. «Je suis née et j’ai grandi dans ce foyer, il y a plus de 40 ans. Chaque jour, nous vivons cette situation humiliante. Le fait d’être obligé de faire nos besoins dans des maisons abandonnées avec tous les dangers que cela comporte, nous brise le cœur et affecte notre santé. Je suis, certes habituée, aux odeurs infestes qui se dégagent dans les maisons abandonnées, cela ne peut pas m’empêcher de me soulager. Mais, j’avoue qu’après cela, dès que je sors de ces toilettes la honte m’envahi. En plus, je souffre d’infection vaginale chronique, et des démangeaisons entre les cuisses, du coup je passe mon temps à me gratter. J’ai subi trois avortements déclenché par des infections vaginales aggravées », se désole-t-elle. Poursuivant sa narration, la dame dit ne pas comprendre l’absence de réaction des autorités publiques. Leur silence, dit-elle, est décevant pour la population de ces banlieues de la capitale.  «Hormis les quelques travaux d’installation de station d’épuration faite par l’Office national d’assainissement du Sénégal (Onas) qui n’est bénéfique qu’aux quartiers périphériques. La réhabilitation de la route principale qui  n’a pas résisté aux dernières inondations, rien n’a été réalisé par les autorités pour nous sortir de cette situation alarmante. Et, de nous permettre d’avoir des toilettes adéquats», tance-t-elle.

Au quartier Touba-Pikine, c’est le même scénario. Awa Samb, une maman se plaint également du manque de toilette chez elle. L’odeur infernale qui dégage à l’intérieur de sa demeure résume la situation. Cependant, elle confie-t-elle : « j’occupe une des chambre de cette maison, avec mon mari et nos trois enfants. La maison dispose de six chambres, toutes occupées par des locataires et leurs familles». Awa Samb soutient que : «Certains, parmi eux utilisent des pots de chambre, qu’ils vont déverser une fois la nuit tombée dans le bassin de rétention sise derrière notre quartier, construit pour capter l’eau pluviale enfin d’éviter l’inondation. Pour ma part, je préfère me rendre dans les maisons abandonnées ». «Mais ce qui est plus grave, souligne la dame, c’est que maintenant, nous avons constaté des serpents sortir de ces déchets et de ces eaux qui bordent de ces  maisons abandonnées. Et le danger est d’autant plus grave que nos enfants circulent tout autour sans la moindre surveillance. Ce qui du jour au lendemain risque d’avoir des conséquences incalculable». Aussi, lance-t-elle un SOS aux autorités de sa localité.

Espoir des toilettes publiques pour abréger les souffrances   

A la mairie de ladite commune, M. Déme, le chargé du cadre de vie, reconnaît que ce sont les femmes et les jeunes filles qui souffrent le plus du manque de toilettes dans leurs maisons. A l’en croire, malgré tous les efforts fournis par les différents partenaires (Etat et Ong), la commune n’arrive toujours pas à accompagner les familles dans l’installation des toilettes appropriées. « Notre commune fait partie des localités les plus démunies de la ville de Pikine. C’est ce qui explique l’absence de toilette dans certains ménages, ces occupants n’ont pas les moyens d’en disposer du coup ils se voient dans l’obligation de satisfaire leurs besoins en dehors de chez eux », précise-t-il. Avant d’ajouter que « d’autres ont été impacter par les inondations des années précédents, c’est durant ces catastrophes qu’ils ont perdu une partie de maison et leur toilettes étaient devenu impraticable ». 

En guise de solution, l’adjoint au maire, annonce la construction prochaine de toilette publique.

 

April 5, 2016

Gestion des ressources hydriques : De la nécessité de jeter les ponts de coopération sur les eaux partagées

Idrissa SANE (Dakar/Sénégal) 

 Le premier Ministre, Mahammed Boun Abdallah Dionne a lancé un appel pour construire les ponts de coopération sur la gestion des eaux partagées. Il a présidé ce mardi 5 avril 2016 le panel mondial sur l’eau et paix.

Les membres du panel au cours de la rencontre

Les membres du panel au cours de la rencontre

L’eau la source de stabilité. Le premier Ministre du Sénégal, Mahammed Boun Abdallah Dionne invite à l’amorce d’un virage où les pays vont jeter des ponts de coopération sur les ressources hydriques partagées. Le chef du gouvernement a fait ce plaidoyer le mardi 5 avril lors de l’ouverture du Panel mondial sur l’eau et la paix créé en novembre 2015 à l’initiative de la Suisse et d’autres pays comme le Sénégal. « Il s’agira d’amorcer un partenariat mondial visant à faire de l’eau un instrument de paix et non une source de potentiels conflits et crises », a lancé le chef du gouvernement qui était entouré par l’ancien président de la Slovénie, Danilo Turk,  du président du Groupe stratégique et prospectives, Sundeep Waslekar et du ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement du Sénégal, Mansour Faye.  Face aux incertitudes qui pourraient naître de la rareté de cette ressource, il serait judicieux selon le premier Ministre de sensibiliser les décideurs sur les rapports entre l’eau et la paix. C’est tout le sens qu’il faudra donner à l’engagement du président de la République d’introduire pour la première fois cette problématique au Conseil de sécurité de l’Onu. Il est impérieux d’entreprendre une initiative politique de haut niveau pour  plus de prise de conscience de la corrélation entre l’eau et la paix. « C’est le sens qu’il faut donner à la décision du président de la République de son Excellence, Macky Sall d’introduire la thématique eau, paix et sécurité dans l’agenda du Conseil de sécurité des  Nations Unies », a évoqué le chef du gouvernement.  Cette volonté politique est fondée sur l’occurrence des conflits et des crises qui sont directement ou indirectement liés à la gestion ou à la rareté de cette ressource. Selon les statistiques des institutions internationales 70 foyers de tension dans le monde ont pour racine la répartition ou la gestion des ressources hydriques entre les pays ou au sein des pays. Déjà en 1995, la Banque mondiale attirait l’attention de la communauté internationale en ces termes : « le pétrole a été à l’origine  de nombreux conflits lors du  siècle écoulé, ainsi l’eau sera la source des conflits dans le siècle à venir ». Cette prédiction alarmiste est malheureusement confirmée par  les Nations Unies. Aujourd’hui plus que par le passé, les conditions sont  plus favorables pour que l’eau déclenche plus de crises et de conflits et jette des milliers de personnes sur le chemin de l’émigration.

L’eau, une nouvelle arme de guerre

L’humanité doit s’attendre à des flux migratoires de l’ordre de 150 à 200 millions de personnes entraînés par des pénuries du liquide précieux. « La dialectique paix et eau ne date pas certainement d’aujourd’hui. Cependant elle est assurément plus prégnante dans le contexte actuel où la raréfaction  de l’eau semble être inéluctable du fait des changements climatiques et de la rareté de l’eau et de l’accroissement démographique », a estimé le premier Ministre. A ces facteurs, les intervenants ajoutent les foyers de tension, le terrorisme à travers le monde. Les groupes terroristes se servent déjà cette ressource comme une arme de guerre pour mettre la pression sur les populations et sur  les camps adverses. « Entre 150 et 200 millions de personnes devraient migrer à cause des pénuries d’eau d’ici à 2050. Il s’y ajoute que l’eau et les infrastructures sont utilisées comme une arme de guerre lors des conflits armés et des attaques terroristes », a relevé le chef du gouvernement.  La résolution de ces problèmes passe aussi par l’actualisation des textes juridiques afin d’avoir des instruments qui vont prendre en aval les obstacles à la gestion concertée des eaux partagées. « Nous devons œuvrer  au renforcement  du régime juridique international  pour protéger des ressources hydriques en particulier dans des zones en conflit. Ainsi nous apporterons une contribution de l’objectif  6 ODD lié à la sécurité de l’eau », a préconisé Mahammed Boun Abdallah Dionne. En tout état de cause, l’ancien président de la Slovénie, Danilo Turk estime qu’il faut aller vers des solutions concrètes pour prévenir les crises. Il a lancé : « Il faut comprendre les efforts mais aussi il faut résoudre les problèmes ».

 

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