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February 27, 2012

Assainissement à Yaoundé. Biyem-assi et le carrefour caca

Par Yannick Sabze (yannicksabze@yahoo.fr)

C’est l’histoire d’un moment passé avec Ousmanou un jeune ferrailleur qui travaille à Biyem-Assi l’un des quartiers les plus populaires de la ville de Yaoundé (Capitale du Cameroun-Afrique en miniature). Tout le monde connais dans ce quartier, le carrefour caca. Ainsi tristement nommé à cause des excréments qui proviennent en grande quantité des puisards et se déversent dans la rue.

Les coupures d’eau si regulieres sont les elements par excellence qui mettent au grand jour, les serieux problemes d’assainissements de la ville aux sept collines. Au grand dam des habitants qui doivent supporter les effluves nauséabonds et la vue apocalyptique d’une mare de merde.Son atelier situé au carrefour caca est une tente faite de bout de tissus rafistolés.   Attendez… vous avez relu la phrase pour vous rassurer s’il s’agit bien du carrefour caca ? En effet ! Encore que ceux qui entendent prononcer pour la première fois « carrefour caca » peuvent s’imaginer que ce carrefour porte le nom du célèbre joueur brésilien kaka’, en reconnaissance d’une quelconque œuvre de bienfaisance. Il n’en est rien.

Ousmanou a eu la bonne idée de m’aborder alors que je prenais des photos pour les besoins de l’article. Après lui avoir expliqué les raisons de mon intrusion dans sa zone de travail, il s’est proposé de répondre à mes questions contre un peu d’argent pour s’acheter une bière et des cigarettes. J’ai failli le prendre dans mes bras. Il faut dire que j’étais un peu embarrassé car à cause de la saison sèche la mare de merde avait disparu. Pas de photo éloquente donc. Ce qui n’est peut être pas plus mal parce que les lecteurs délicats d’outre atlantique en auraient perdu l’appétit pendant un bon moment. Trêve de digression ! Revenons à Ousmanou qui m’a expliqué qu’il a souvent fait partie de ceux qui ont été sollicité par la voirie pour vider les puisards et déboucher les égouts. Il était dans la merde, avec pour tout équipement de protection, un léger masque et des gants.

Le Cameroun a connu une épidémie de choléra entre 2010 et 2011 qui selon les chiffres officiels a fait plus de 8000 cas de maladie déclarée et 300 décès. Les pénuries d’eau couplées à l’insalubrité y ont contribué. Le cas du carrefour caca en est une parfaite illustration. En effet, lors des saisons pluvieuses, le contenu des puisards qui a débordé est charrié vers les cours d’eau à partir desquels les populations vont s’approvisionner pour leur lessive mais aussi pour leur consommation. Une eau pourtant impropre à la consommation que les populations font bouillir pour boire. Pour parer à la demande en eau des populations de la zone, l’administration a aménagé une source d’eau sous le pont du carrefour. Le problème avec une telle source est qu’aucune mesure n’a été prise pour la protéger.

Il faut donc craindre que la nappe phréatique ne soit souillée. Des inquiétudes qu’Ousmanou balaie d’un revers de la main en buvant l’eau de la source, les pieds dans le courant d’eau nauséabonde. « Cette eau ne m’a jamais rendu malade » m’a-t-il confié. On peut bien lui accorder le bénéfice du doute. Toutefois, l’eau a été et est encore un problème de santé publique au Cameroun surtout lorsque des entreprises ont commercialisé l’eau provenant de telles sources dans des sachets. Coliques, dysenteries, amibes et choléra ont été le lot de ceux qui ont consommé ces eaux longtemps avant que le ministère de la santé n’en interdise la vente.

Au chapitre des doléances, des voix s’élèvent pour réclamer l’accélération de la rénovation du circuit des égouts dans les villes principales de Yaoundé et de Douala. Parmi les plus illustres voix se trouve celle du président de la république. Fait anecdotique, son cortège a été stoppé par une inondation alors qu’il revenait d’un voyage officiel. Les égouts bouchés avaient débordé suite à une pluie diluvienne, rendant impraticable ce qui est pourtant l’axe principal de la ville de Yaoundé.